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Rodica Seward & Matthias Weischer
à l'Espace Tajan




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J’ai l’honneur et l’immense plaisir d’accueillir à l’Espace Tajan la première exposition en France de l’artiste contemporain allemand de renom, Matthias Weischer. Weischer a émergé sur la scène artistique internationale au début des années 2000 et s’est développé au sein d’un groupe d’artistes de premier plan et parmi les plus célébrés de la Nouvelle école de Leipzig.
Collectionneuse et amoureuse de peinture et de sculpture, je me suis très vite intéressée à l’oeuvre de Matthias, qui, selon moi, sculpte avec la peinture. La force de la matière picturale rend ses oeuvres quasi tridimensionnelles. Les figures et objets étranges semblent se détacher de la toile si bien que lorsque nous les regardons, le désir de les toucher et de les sentir devient irrépressible. Pour moi qui ai grandi dans la Roumanie communiste, les intérieurs surréalistes de la première période de l’artiste intègrent, peut-être inconsciemment, les expériences de sa jeunesse en Allemagne de l’Est. Tous ceux qui ont été touché, de près ou de loin, par l’aberration du communisme gardent en eux des souvenirs surréalistes inoubliables. Habités de souvenirs et de traces fantomatiques, ces intérieurs nous invitent irrésistiblement à pénétrer au coeur de l’oeuvre. L’Allemagne se renforçant jusqu’à devenir un pays leader en Europe, les souvenirs du communisme s’estompèrent. L’oeuvre de Matthias a évolué tant dans le contenu que dans sa forme d’expression. Tout en préservant leur matière picturale, ses oeuvres sont presque devenues des collages abstraits de peinture et de motifs. Les motifs peints et superposés explosent désormais de la toile vers un monde libre.
J’invite tous les amoureux de l’art à l’Espace Tajan pour explorer et apprécier ce magnifique ensemble d’oeuvres très personnelles allant de 1999 à aujourd’hui. Rodica Seward


Matthias Weischer
MATTHIAS WEISCHER dans son Atelier


Vivant à Leipzig, où il a fréquenté la Hochschule für Grafik und Buchkunst, Matthias Weischer a surgi au début des années 2000 sur la scène de l’art avec des tableaux montrant des intérieurs d’appartements modernes, dépourvus de présence humaine, hormis parfois quelques traces fantomatiques. Nés d’un processus complexe de superposition de couches picturales, et de l’empilement de sources iconographiques (issues de magazines de décoration des années
1950-60), ces living-rooms relèvent, comme l’écrit Natalie de Ligt, à la fois « de l’imagination et du souvenir » (1). Cette dualité permet à l’artiste « d’entrer émotionnellement » dans ces espaces fictionnels : « J’ai été dans des pièces similaires, mais je n’essaye pas pour autant de les reconstituer. Je veux avoir de nouvelles expériences, afin de me projeter dans de nouveaux endroits. C’est cela la peinture » (2). La mise à distance du souvenir personnel par une approche conceptuelle favorise l’avènement d’une dimension universelle, pour que le spectateur puisse, à son tour, entrer mentalement dans les tableaux et éprouver ce sentiment de « modernité mélancolique » pointé par Rudij Bergmann (3). Les années 2006 et 2007 marquent un tournant à la fois progressif et radical dans la peinture de Weischer. Les intérieurs se vident peu à peu des objets qui les peuplaient, tandis qu’une tendance monochrome gagne les murs. Dans le même temps, l’artiste avoue ressentir une oppressante claustrophobie : les intérieurs étaient la métaphore d’un intense travail mental, d’un enfermement volontaire dans l’atelier, et il éprouve dorénavant le besoin de s’en évader, pour revenir à une observation plus directe du monde naturel. Durant l’hiver 2006, il dessine au zoo de Leipzig des enclos d’animaux (là encore vidés de toute présence vivante), qu’il reconstitue dans son atelier, sous la forme d’une scène où il agence divers artefacts (notamment un « arbre à singes » stylisé) afin de composer ses tableaux ; Skulpture 1 (2007) naît directement de cette cage réinterprétée. Par ailleurs, l’artiste, à l’occasion d’une résidence au Palazzo Massimo en 2007, investit les jardins romains pour y travailler. Cette nature qu’il peint désormais apparaît soumise à une vision géométrique et non naturaliste (Omodi, 2011), rappelant à certains égards l’approche de maîtres médiévaux de l’enluminure. S’il est un trait d’union entre la première et cette nouvelle manière de Weischer, c’est bien l’ornement. Les imprimés couvrant les murs des intérieurs se végétalisent, puis passent progressivement au premier plan (Pattern et Codex, 2014), jusqu’à apparaître en relief avec la technique du papier mâché (paper pulp painting), technique populaire qui dit bien la liberté que s’accorde l’artiste depuis qu’il a « rouvert » la porte de l’atelier sur le vaste monde. Cette prise de liberté est plus généralement manifeste dans le phénomène d’inversion qui touche structurellement la peinture de Weischer : d’intérieurs imaginés, dans lesquels la perspective aspire le regard, il a évolué vers des tableaux inspirés du monde réel mais désormais privés de profondeur spatiale, et dont les images fragmentées tendent à s’échapper du plan. En somme, l’artiste est passé d’une peinture en trois dimensions dans laquelle on se projette, à une 3D qui surgit du tableau. Parmi les motifs affleurant à la surface de ces nouvelles oeuvres, on compte des femmes matissiennes (Stock, 2012), des fleurs (Gewolbe, 2013), une coupe de crème glacée tombant sur un mode burlesque (Fall, 2014), ou encore un pommeau de douche et des lunettes de soleil (Versole, 2012), toutes choses pour lesquelles l’artiste entend laisser ouvert le jeu de l’interprétation : « Si vous juxtaposez des objets, bien sûr apparaîtra une relation entre eux... [Mais] je ne suis pas engagé dans un jeu intellectuel sur les éléments et leur signification » (4). Sans doute s’agit-il de préserver cette qualité d’énigme quasi hiéroglyphique qui caractérise depuis l’origine les tableaux de Matthias Weischer.

Richard Leydier

(1) Natalie de Ligt, « Balancing the Relationship Between Object and Space in a Different Way », in cat. Matthias Weischer, Kunsthalle Mainz, 2009.
(2) Entretien avec Jean-Christophe Ammann, in Matthias Weischer - Malerei, Hatje Cantz ed., 2007.
(3) Rudij Bergmann, « Nobody Lives Here Anymore », in Matthias Weischer - Malerei, op. cit.
(4) Entretien avec Jean-Christophe Ammann, op.cit.

 

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Catalogue

 

Biographie : Né en Allemagne de l’Ouest en 1973, il a déménagé après la chute du mur en ex-RDA, à Leipzig, ville qui incarne la nouvelle peinture allemande. Parrainé par David Hockney, Matthias Weischer est aujourd'hui en orbite dans les hautes sphères de l'art. Ayant élu résidence artistique dans une ancienne filature de coton à Leipzig, il y créée des oeuvres empruntes de mystère, entre peinture abstraite et figurative. Si sa créativité l’amène à commencer toujours plusieurs tableaux en même temps, il prend néanmoins tout son temps pour les achever.
Dans son atelier, des toiles, mais aussi des dessins, travaux inhabituels pour ce peintre spécialiste des vues d'intérieurs désertés. Dans ses tableaux, des personnages difficilement reconnaissables qui ne sont qu'apparitions et ombres car l'artiste s'intéresse avant tout à la composition, à la répartition de l'espace et à l'agencement du tableau, dont il va jusqu’à vérifier l'équilibre à l'aide d'un miroir. Matthias Weischer ne vit pas seulement de ses tableaux : il vit avec eux. Depuis 2001, son travail a été présenté à de nombreuses reprises sur la scène internationale, comme à Londres en 2003, à Miami en 2004, à la Biennale de Venise, au Musée d’Art de Cleveland, à Chungnam en Corée en 2005, à la Hague, à Malaga en 2008, et à Ponce, Puerto Rico en 2011.
Parmi les collections publiques et privées détenant des oeuvres de Matthias Weischer se trouvent le Musée d’Art Contemporain de Los Angeles, le Gemeentemuseum à Den Haag, Musée d’Art Moderne de Arken au Danemark, la Collection Arario en Corée, le Musée der bildenden Künste à Leipzig, la Collection de la Famille Rubel à Miami, la Collection de Susan et Michael Hort à New-York.

 

 

 

 


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