¤ • GIORGIO DE CHIRICO (1888-1978)
Chevaux sur la plage, 1928-1930
Huile sur toile
Signée en bas à droite
Oil on canvas; signed lower right
92,5 X 73,5 CM - 36 3/8 X 29 IN.

    Notes:
  • La Fondazione de Chirico a confirmé l'authenticité de cette œuvre, référencée sous le n°062/10/16 OT

    PROVENANCE
    Collection Léonce Rosenberg (archives n°1284), Paris
    Collection Privée, Turin
    Galleria La Bussola, Turin
    Galleria Gian Ferrari, Milan
    Galleria dell'Annunciata, Milan
    Collection particulière, Milan

    EXPOSITION
    Genève, Musée Rath, Du futurisme au spatialisme, Genève, 6 octobre 1977 au 15 janvier 1978

    BIBLIOGRAPHIE
    C. Bruni Sakraischik, Catalogo Generale, Giorgio de Chirico, Opere dal 1908 al 1930, Milan: 1972, vol. V, reproduit en noir et blanc sous le n°341 (version inachevée de 1927)
    M. F. dell'Arco et P. Baldacci, Giorgio de Chirico, Parigi, 1924-1929, cat. exp., Milan: 1982, reproduit en noir et blanc sous le n°149, p.522

    "Giorgio de Chirico, né en Grèce, n'a plus besoin de peindre Pégase. Un cheval devant la mer, par sa couleur, ses yeux, sa bouche, prend l'importance d'un mythe." Jean Cocteau, 1928

    Né en Grèce en 1888, de parents italiens, Giorgio de Chirico y passe les premières années de sa vie où il baigne dans les mythes de la Grèce Antique. Suite au décès prématuré de son père, sa mère décide de s'installer à Munich avec ses deux enfants. Là-bas Giorgio de Chirico découvre la pensée de Nietzsche et la notion "d'éternel présent", ainsi que les œuvres des peintres symbolistes Arnold Böcklin et Max Klinger qui marqueront l'œuvre du peintre.
    Entre 1910 et 1915, de Chirico s'installe à Paris, où très vite il est repéré par le marchand Paul Guillaume, qui, dès 1911 présentera ses toiles dans sa galerie. Le succès est au rendez-vous et le peintre italien fait parler de lui au sein des cercles artistiques où Max Jacob, Aragon, Blaise Cendrars ou encore Guillaume Apollinaire se côtoient. Ce dernier, dans ses chroniques d'art (1902-1918), n'hésite pas à le citer et dit à son sujet qu'il "construit dans le calme et la méditation des compositions harmonieuses et mystérieuses". Ce peintre intrigue, et fascine par son originalité et sa modernité.
    Dès 1914, l'œuvre de Chirico est reconnaissable à travers un vocabulaire qui lui est propre; gares et places désertes, statues et personnages esseulés, ou encore ces grandes perspectives réalisées à la manière du Quattrocento. Le peintre s'inscrit parmi les plus grands artistes de son temps au point d'être considéré par André Breton comme le "dieu tutélaire" de la peinture surréaliste. Cette première période dite métaphysique aura profondément marqué et inspiré le groupe des surréalistes. Rattrapé par la guerre, de Chirico rejoint l'Italie pendant quelques années. Installé à Ferrare, l'artiste continuera à s'intéresser aux Maîtres de la Renaissance.
    En 1925 de Chirico revient à Paris. Son style n'a pas changé par rapport à la première période mais grâce à une réflexion théorique plus approfondie son univers thématique a évolué. Ce deuxième séjour parisien est donc marqué par des compositions où la mythologie côtoie les paysages lumineux qui sont non sans rappeler le sud de la méditerranée. Cette deuxième période métaphysique est inaugurée par le tableau Il ritorno al mestiere, où l'on ressent l'influence du classicisme de la renaissance italienne. Mais marque une rupture avec les surréalistes, car André Breton désapprouve cette nouvelle période?; "Chirico, en continuant de peindre, n'a fait depuis dix ans que mésuser d'un pouvoir surnaturel. Cette escroquerie au miracle n'a que trop duré". Cependant Chirico peut toujours compter sur le soutien de Jean Cocteau, qui prend la défense du peintre italien en considérant qu'il ne s'agit pas d'une rupture mais d'une continuité avec la première période.
    L'œuvre que nous présentons, a été réalisée pendant ce deuxième séjour parisien de l'artiste. Commencée en 1927 (reproduction ci-jointe) et achevée en 1929, l'œuvre témoigne du style des années 20 chez de Chirico en reprenant l'élément fondamental de l'iconographie picturale du peintre, le cheval. L'animal est représenté sous une forme à la fois majestueuse et olympienne, une image triomphale qui renvoie aux mythes de la Grèce antique. Au premier plan, sur un rivage rocheux, deux chevaux posent?; l'un blanc, monumental et robuste, l'autre roux, nerveux et dynamique. En 1929, le peintre ajoutera à sa composition un troisième cheval, au fond, blanc, plus fin et plus discret mais qui semble plus agité. Les chevaux parcourent une terre de splendeur antique abandonnée, en bord de mer, dominé par un temple en arrière-plan et des vestiges à leurs pieds.
    Cette composition réunit ainsi les mondes du passé et du présent mais aussi la métaphysique. Elle prouve une fois de plus la capacité du peintre à nous présenter une réalité contradictoire. Illustrant ainsi parfaitement cette deuxième période métaphysique de l'artiste, qui comme le disait justement Jean Cocteau est la continuité de la première période et non une rupture.

    "Giorgio de Chirico, who was born in Greece, no longer needs to paint Pegasus. A horse by the sea -with its color, its eyes and its mouth- assumes the importance of a myth." Jean Cocteau, 1928, cité ibid., p. 247

    Giorgio de Chirico was born in 1888, in Greece, to Italian parents. He spent his childhood there, steeped in the myths of Antiquity. Following his father's untimely death, de Chirico's mother decided to move to Munich with her two children. There, de Chirico discovered Nietzsche's philosophy and the concept of "the eternal return", as well as the works of the symbolist painters Arnold Böcklin and Max Klinger, who would later influence his own work.
    Between 1910 and 1915, de Chirico lived in Paris, where he was quickly noticed by the art dealer Paul Guillaume, who began showing the painter's work in his gallery. Success followed, and the Italian painter was the talk of artistic circles that included Max Jacob, Louis Aragon, Blaise Cendrars, and Guillaume Apollinaire. In his chroniques d'art (1902-1918), Apollinaire readily referenced the painter and wrote that he made "harmonious and mysterious compositions in the midst of silence and meditation." De Chirico's originality and modernity made him intriguing and fascinating.
    By 1914, de Chirico's work had become recognizable by a formal vocabulary all his own: deserted train stations and squares; isolated statues and figures; and exaggerated perspectives painted after Quattrocentro styles. He became one of the greatest artists of his day, and André Breton considered him to be the "tutelary god" of surrealism. De Chirco's first, metaphysical period heavily influenced the surrealists. As war loomed, de Chirico returned to Italy for several years. He settled in Ferrare, where he continued to be influenced by Renaissance masters.
    In 1925, de Chirico returned to Paris. Compared to his first period, his style had not changed, but deeper theoretical reflection had led his thematic language to evolve. This second period in Paris was characterized by compositions featuring mythological scenes within luminous landscapes reminiscent of the Mediterranean. This second metaphysical period began with the painting Il ritorno al mestiere; the influence of classicism and the Italian Renaissance are palpable. But it also marked a break with the surrealists; André Breton did not approve of this new period?: "De Chirico, who for the last ten years has continued to paint, has done nothing but abuse a supernatural power. This scam miracle has lasted too long." But de Chirico could still count on Jean Cocteau, who defended the Italian painter by considering the period not as a break with but rather a continuation of the first period.
    The work that we are presenting here was executed during the artist's second stay in Paris. Begun in 1927 (see reproduction) and completed in 1929, the work is representative of de Chirico's style in the 1920s. It depicts the painter's fundamental pictorial motif, the horse. The animal is represented as both majestic and godlike, a triumphant image that recalls ancient Greek myths. In the foreground, on a rocky shore, two horses pose; one is white, imposing, and robust, the other red, vigorous, and dynamic. In 1929, the painter added a third horse to the composition; visible in the background, the white horse, smaller and more discreet, also seems more restless. The horses run through a land of abandoned ancient splendor by the sea, overlooked by a temple in the background and ruins at their feet.
    This composition unites the present and past, as well as the metaphysical. Once again, it proves the painter's capacity to depict a contradictory reality. As such, it perfectly illustrates de Chirico's second metaphysical period, which, as Cocteau rightly said, was a continuation of the first period and not a break with it.

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