ÉVANGELIAIRE ET ÉPISTOLIER, à l'usage d'un monastère de chanoines réguliers de la Sainte-Croix. Belgique ou nord de la France, vers 1500 ; in-4 (279 x 200 mm) de 118 ff. de peau de vélin et 3 ff. blancs, par cahiers de huit feuillets, écriture gothique de gros calibre à 12 lignes par page (folios 61-62 et 117-120 d'une main plus tardive), rubrication et réglure à la plume, musique notée aux six premiers feuillets pour l'évangile de la nuit de Noël, indication des cadences sur les autres feuillets, reliure de maroquin grenat, filets dorés et à froid, dos à nerfs, filets intérieurs, tranches dorées.

Le manuscrit enluminé, d'une hauteur exceptionnelle de presque trente centimètres, est abondamment décoré. Il est orné d'une grande peinture à plein page figurant la crucifixion, objet de la dévotion particulière de l'ordre de la Sainte-Croix, de 67 miniatures, de 13 initiales décorées et de 34 magnifiques encadrements ornés de motifs décoratifs variés : insectes, végétaux, oiseaux, perles, grotesques, sur fond d'or ou de couleur.

Le style des décors et figures le rattache à l'école flamande ; il a été exécuté pour un monastère de Crosiers - dits Porte-Croix ou Croisiers - qui s'étaient répandus à partir du XIIIe siècle de la Belgique à l'Angleterre, l'Italie et la Belgique. En France, la trace du plus important monastère de Crosiers est conservée par la rue Sainte-Croix de la Bretonnerie. Les manuscrits de cette provenance sont rares.
Le volume a été réalisé à la charnière entre le XVe et le XVIe siècle, période de forte expansion de l'ordre, dont le rayonnement culturel et cultuel est alors à son apogée.

Le manuscrit est abondamment et somptueusement décoré.

Il comprend une grande peinture à pleine page et 66 peintures de plus petit format, toutes exécutées avec un soin extrême.


Pleine page :
La Vierge et saint Jean au pied de la Croix avec un croisier agenouillé, la croix rouge et blanche sur la poitrine ; fond de paysage avec la ville de Jérusalem. Une éclatante bordure à fond d'or poli incorpore des fleurs et des oiseaux (fol. 31 v°, 250 x 185 mm).
Peintures dans le texte :
Légende de saint Bernard. Le saint porte une crosse d'or et vénère la Vierge portant Jésus. Elle presse son sein dont le lait jaillit sur le visage de saint Bernard. Cette scène est rarement représentée (fol.1).- 2. La Nativité (fol. 10).- 3. L'Adoration des Mages (fol. 11 v°).- 4. La Résurrection. Le Christ surgit du tombeau, rayonnant d'or, les saintes Femmes dans les bordures (fol. 13 v°).- 5. Le Christ à table chez les disciples d'Emmaüs (fol. 14 v°).- 6. Saint Thomas touche la plaie du Christ (fol. 19 v°).- 7. L'Ascension (fol. 22 r°).- 8. La Pentecôte (fol. 22 v°).- 9. La Trinité. Le Christ est nu, les plaies visibles, à côté du Père (fol. 27).- 10. L'Adoration du Saint Sacrement (fol. 29).- 11. Une église, peinte en tête de l'office célébrant la dédicace d'une église (fol. 30).- 12. Saint André (fol. 32).- 13. Sainte Barbe (fol. 32).- 14. Sainte Anne et saint Joachim à la Porte d'Or (fol. 34).- 15. Saint Etienne (fol. 36).- 16. Saint Jean l'Evangéliste (fol. 37 v°).- 17. Présentation de l'Enfant Jésus au Temple (fol. 38 v°).- 18. L'Annonciation (fol. 40).- 19. La Vierge de douleurs, percée de 7 glaives (fol. 42).- 20. Saint Jean Baptiste (fol. 42 v°).- 21. La Visitation (folio 45 v°).- 22. Sainte Marie Madeleine (fol. 47 v°). 23.- La Vierge et l'Enfant sur le croissant de la lune (fol. 51).- 24. Saint Augustin (fol. 52).- 25. L'Invention de la Sainte croix : de part et d'autre de la Croix se tiennent la reine Hélène, mère de l'empereur Constantin et saint Cyriaque, évêque de Jérusalem, avec la croix rouge sur la poitrine. On considérait saint Cyriaque comme le restaurateur de l'ordre qui aurait été créé au Ier siècle (fol. 53 v°).- 26. Saint Michel terrassant le Démon (fol. 54).- 27. Saint Denis tenant sa tête dans ses mains (fol. 56 v°).- 28. Fête des onze mille vierges. Sainte Ursule abrite ses compagnes sous son manteau et tient trois flèches qui rappellent son martyre. Sur un phylactère, on lit le nom de sainte Odile, patronne de l'Alsace (fol. 58 v°).- 29. Isaïe prédit la venue du Messie (fol. 64).- 30. Vierge à l'Enfant (fol. 65).- 31. La Nativité (fol. 65 v°).- 32. Même sujet (fol. 67).- 33. Vierge à l'Enfant sur un croissant de lune (fol. 67 v°).- 34. Même sujet (fol. 68 v°).- 35. La Purification (fol. 70).- 36. Un roi couronné tenant un sceptre et un cœur (fol. 71).- 37. Un homme tenant un cœur et un phylactère portant " Dulcis amica Dei lacrimis inflectere nostris " (fol. 72 v°).- 38. Le Christ à table avec deux disciples d'Emmaüs (fol. 73).- 39. Le Christ montrant ses plaies avec inscription " Videte manus meas et pedes meos " (74 v°).- 40. Les plaies du Christ (même inscription (fol. 76).- 41. L'Ascension du Christ et un pèlerin (fol. 77 v°).- 42. La Pentecôte (fol. 79 v°).- 43. La Trinité. Dieu le Père étreignant le Christ en croix (fol. 83 v°).- 44. Adoration du Saint Sacrement (fol. 84).- 45. Une église : fête de la dédicace d'une église (fol. 85 v°).- 46. Saint André (fol. 87).- 47. Sainte Barbe (fol. 88 v°).- 48. Vierge à l'Enfant (fol. 89).- 49. Saint Etienne (fol. 90).- 50. Saint Jean l'Evangéliste (fol. 92).- 51. Vierge à l'Enfant (fol. 93).- 52. L'Annonciation (fol. 94).- 53. La Pieta. Marie soutient Jésus au pied de la Croix à côté de saint Jean (fol. 95).- 54. Saint Cyriaque, évêque, tenant la Sainte Croix, la poitrine percée d'un glaive (fête de l'invention de la Sainte Croix (fol. 96).- 55. Saint-Jean Baptiste (fol. 97).- 56. Saint Pierre et saint Paul (fol. 99 v°).- 57. La Visitation (fol. 101).- 58. Sainte Marie-Madeleine parfumant le corps du Christ à la descente de Croix (fol. 102).- 59. La Transfiguration (fol. 104).- 60. Vierge à l'Enfant couronnée par deux anges (fol. 105 v°).- 61. Saint Augustin agenouillé en prières (fol. 107).- 62. Le Christ en croix entre la Vierge et saint Jean (fol. 109).- 63. Saint Michel et un croisier agenouillé (fol. 109 v°).- 64. Saint-Denis (fol. 111).- 65. Sainte Ursule tenant une flèche et une palme, abritant ses compagnes sous son manteau (fête des onze mille vierges) (fol. 112).- 66. Le repas à Béthanie chez Marthe et Marie (fol. 113 v°).

Douze initiales à fond d'or ou de couleurs sont décorées de fleurs, de rinceaux, de perles et de grotesques.

Des encadrements ou bordures au nombre de 34 offrent des motifs variés : oiseaux, feuillages, fruits, fleurs et insectes se détachant sur fond d'or ou de couleurs. On remarquera particulièrement un décor d'architecture en or sur fond bleu avec des anges tenant un ostensoir (fol. 1), des anges musiciens (fol. 10), un singe se peignant dans un miroir (fol. 58), des anges faisant sécher des linges près d'un feu (fol. 64).
Ces décorations sont assez typiques de l'école ganto-brugeoise qui a fleuri à la fin du XVe siècle. Elles sont de plusieurs mains. Un artiste de grand talent a exécuté la Crucifixion à pleine page. Parmi les petites peintures, il en est qui témoignent d'une réelle habileté de dessin et de pinceau (fol. 1, 33 v°, 49, 93). On relèvera le caractère réaliste des visages aux fol. 64, 71, 72 v°. Enfin le manuscrit est remarquable pour l'originalité de certaines scènes très rarement représentées : saint Bernard et la Vierge ou saine Hélène et saint Cyriaque.

La reliure en maroquin anglais du milieu du XIXe siècle porte l'ex-libris d'Aldenham Abbey, propriété de William Stuart qui passa en 1910 au très bibliophile banquier J.-P. Morgan. L'ex-libris du colonel Daniel Sickles est apposé sur un contreplat. Le volume a figuré dans l'une de ses premières ventes à Paris (en décembre 1945) sous le n° 19. Il avait été adjugé la somme prodigieuse de 420 000 francs.

Une inscription manuscrite indique que le volume a été relié en juin 1846 : " This I purchased at Fletchers 23 april 1842 for BB. Described in the catalogue as lot 764. Missale romanum [le manuscrit n'est pas un missel]. (…) Folio, mss W. Stuart - I had it new bound June 1846 ".




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