Chers amis, chers clients,
C’est avec une immense joie que nous célébrons avec vous la fin de l’année 2022 et le début d’une autre. Nous sommes fières d’avoir organisé cinq ventes : deux ventes thématiques “Objets de lettrés” et “Arts du Japon et de la Corée” et trois ventes générales ”Arts d’Asie”. Du Néolithique au XXe siècle, de l’Indonésie à l’Asie centrale, l’art asiatique est un sujet vaste dans le temps et dans l’espace. Malgré la complexité du sujet, notre département reste à l’écoute de nos vendeurs et de nos acheteurs dans l’optique de présenter des ventes originales et de qualité.
Cette année, notre département Arts d’Asie et d’Orient, avec la collaboration de ses experts et de ses correspondants, a parcouru la France et l’Europe à la recherche de collections d’objets rares asiatiques. Compte-tenu d’une situation sanitaire instable en Asie, Tajan est la première maison de ventes française à avoir initié des visites guidées virtuelles en direct avec nos acheteurs chinois. A l’occasion de chaque exposition près de 15,000 personnes prennent connaissance des objets de nos ventes et posent des questions à distance. De même, grâce au concours de nos plateformes partenaires, ce sont près de 500 internautes qui suivent et participent à nos vacations.
Nous avons à cœur de faire de notre bel espace chez Tajan un lieu de rencontre et d’échanges, mais aussi un lieu permettant de promouvoir l’art et les civilisations du monde. Dans le cadre de nos ventes d’arts asiatiques, nous avons organisé une conférence-concert pour introduire l’univers des lettrés asiatiques, ainsi qu’une conférence avec la participation de Dr Wang Shanshan et M. Maël Bellec – conservateur en chef des collections chinoises et coréennes au Musée Cernuschi – pour présenter les aspects méconnus de l’art du Japon et de la Corée. Deux visites guidées ont aussi été organisées pour les membres de l’Association Française des Amis de l’Orient (AFAO) et des Amis du musée Cernuschi.
Cette année a été remarquable à plus d’un titre. Nos ventes, parsemées de très beaux lots et de collections d’objets anciens ont été récompensées par de bons résultats. Nous prenons le soin de mettre en avant chaque collection, chaque objet, qui reste le témoin d’une amitié entre l’Asie et l’Europe. Nous avons sélectionné ci-dessous quelques lots phares de l’année qui reflètent l’actualité du marché de l’art asiatique et résument son succès.
Les Bronzes
L’objet le plus insolite de l’année 2022.
La civilisation chinoise a toujours su poser un regard sur son passé pour nourrir sa production. Les bronzes archaïques sont à la racine de tout un pan de la production d’objets d’art chinois des Song jusqu’aux Qing. Ce vase en forme d’oiseau en bronze de l’époque Song (960 – 1279) est un hommage aux bronzes archaïques de l’époque Shang (1550-1500 av. notre ère), reprenant les motifs de leiwen – sorte de motifs de grecques -, de chilong (petit dragon) et la thématique animalière fréquente sur les vases dit zun. Selon l’archéologue Guo Moruo (1892-1978), le motif leiwen est né de l’impression des empreintes digitales. Car les métaux étaient travaillés sur les moules segmentés en argile.
Les premières fouilles importantes mettant au jour du matériel antique datent en effet de cette période, incitant les empereurs à s’en inspirer dans la production de porcelaines, de bronzes et de pierres dures. Outre les bronzes, certaines pièces de porcelaine adoptent en effet des formes de bronzes archaïques, tandis que les disques bi et vases cong font également leur réapparition dans le paysage artistique chinois. C’est également un hommage aux rites anciens que de se réapproprier ces formes et une façon de légitimer son règne au yeux du divin.
Notre vase zun a pris la forme de chixiao (鸱鸮), “hibou”. Cet animal mystérieux fascina les Chinois au début de leur civilisation. Considéré comme un dieu martial, il est notamment populaire durant la dynastie des Shang.
Les Porcelaines
Cette année, Tajan a fait la part belle aux porcelaines impériales chinoises. L’empereur et la porcelaine, c’est une histoire vieille d’au moins 1000 ans avec l’émergence puis l’affirmation des fours de Jingdezhen (province du Jiangxi) en tant que manufacture impériale. C’est au sein de ces fours que la technique de la porcelaine est née et s’est perfectionnée. Au départ d’un blanc immaculé, cette porcelaine s’est progressivement agrémentée d’émaux colorés réalisés à partir d’oxydes métalliques, en passant par les fameux bleu-et-blanc nés sous le règne de la dynastie mongole des Yuan (1279-1368). Les porcelaines sont de toutes les formes, transformant les objets de la vie quotidienne en objets de décoration. Les porcelaines marquées d’un sceau impérial ou d’une marque de règne sont les plus prisées.
Le règne de Qianlong de la dynastie des Qing (1664-1912) est extrêmement faste pour la production chinoise de porcelaines émaillées. C’est durant cette période qu’une large partie des pièces les plus fines et les plus prestigieuses ont été produites. Le raffinement impérial transparaît nettement à travers ce vase de forme huagu marqué du sceau de l’empereur. Comme son nom l’indique, ce vase prend la forme d’un gu (觚) archaïque, un vase à alcool, dont on a modifié la forme du pavillon. Ce dernier a été réinventé en une forme quadrilobé évoquant une fleur de bégonia. Le vase est surmonté d’un talon court avec une très belle marque de l’empereur Qianlong (1736-1796) gravée en dessous, ce qui est caractéristique des émaux flammés impériaux.
Dès lors, cette forme élégante est appréciée par les empereurs et la haute société. Par la suite, elle est réemployée pour des objets décoratifs dans des matériaux divers, à savoir la porcelaine, le jade, le bronze, le verre etc. La couverte flammée est très populaire durant la période Qing. Elle est élaborée au moyen d’oxydes de fer ou de manganèse qui participent à la manifestation d’une couleur rouge, qui, associée au blanc et au bleu lavande, rappellent les teintes d’une flamme. Ici le bleu lavande est particulièrement frappant et fait sa rareté. Cependant, l’appréciation de cette technique, trop dépendante du hasard des coulures et des oxydes, était au départ peu appréciée et valorisée voire détestée. L’émail flammé est apparu sous le règne des Tang. Jusqu’à la dynastie des Ming (1368 – 1644), les artisans considéraient les céramiques flammées comme des échecs à cause du résultat imprévisible de l’effet de couleur. Il faut attendre l’époque des Qing pour que la technique des émaux flammés, yaobian (窑变) en chinois, devienne une mode. Selon Les Notes du Four du Sud (南窑笔记), les porcelaines avec émaux flammés sont des merveilles, à moitié créées par l’Homme, à moitié créées par le hasard.
Objets en rapport
Cette belle boîte ronde est un témoignage de la grandeur de la production de porcelaines du règne de Ming Wanli (1572-1620). Le bleu n’est pas le seul ornement de la porcelaine. Il est ici agrémenté d’émaux colorés selon la technique wucai ou “cinq couleurs”. Cette technique, née durant la dynastie Ming, consiste à appliquer plusieurs émaux colorés en plus du bleu de cobalt ce qui correspond à une petite révolution pour l’époque.
Le décor est richement composé d’un couple de perruches rouges, de deux papillons dans un jardin arboré sur le couvercle, le pourtour est orné de pêches, grenades, litchis et raisins, alternant avec des fleurs symbolisant la prospérité. Une marque en six caractères en style kaishu est inscrite sur la base, indiquant le rapport avec l’empereur Wanli. Le couple de perruches a une symbolique très chère à Wanli car il évoque sa propre mère qui affectionnait tout particulièrement ces volatiles.
Objets en rapport
Les Jades
S’il y a un objet, une matière qui peut résumer la culture, la civilisation, la spiritualité et la philosophie du monde chinois, c’est bien le jade, 玉 (yu). Depuis le Néolithique (6000-2000 avant notre ère), les Chinois ont travaillé le jade pour en faire des objets rituels et ornementaux. Confucius a comparé les onze vertus de l’Homme avec celles du jade: la bienveillance, la sagesse, la droiture, la courtoisie, la sensorialité, la loyauté, la foi, la force (qi) du ciel, l’esprit de la terre, la vertu et la Voie (dao). Bien que le jade blanc soit le plus recherché, l’écrivain de l’époque Ming, Gao Lian (1573-1620) explique dans le Yanxian Qingshang Jian (“Notes sur le plaisir raffiné des loisirs élégants”) que les jades jaunes sont plus rares et plus précieux que les jades blancs. Le jade néphrite se situe entre 6,5 et 7 (sur 10) sur l’échelle de Mohs. Cela signifie que c’est une pierre très difficile à travailler et qui ne peut être sculptée que par l’abrasion longue du sable. Lors de notre vente du 5 décembre 2022, nous avons présenté deux exemples datés de l’époque Qing.
Ce vase est de forme balustre avec des proportions particulièrement équilibrées, dont le col et la base fonctionnent en miroir. Le décor de ce vase est extrêmement travaillé et élégant.
Le col est parsemé de perles sur l’extérieur et présente, sur chacun des côtés du col une tête d’éléphant, élément qui associé avec le vase, symbolise la paix, dit Taiping You Xiang (太平有象). À l’intérieur, des pétales de chrysanthèmes donnent un effet de volume. Sur chacune des faces de la panse est représenté un masque de Taotie 饕餮 ou “glouton” en français. Les imperfections du jade, les masques Taotie et la corde torsadée sur la base renvoient au répertoire archaïque.
Nous avons présenté un autre petit vase en jade jaune infusé de brun représentant un chou chinois ou “bái cài” (白菜) qui est phonétiquement proche du mot bǎi cái 百财, “cent fortunes”. C’est pourquoi le chou chinois devient un objet auspicieux qui est souvent représenté dans l’art décoratif. Le naturalisme est au cœur de l’esthétisme chinois. Dans Le Classique des rites ou Lijing (礼记) de la Période des Royaumes combattants (Vᵉ siècle – 221 av. notre ère), Confucius explique que l’ultime plaisir pour la musique (et l’art en général) se trouve dans l’harmonie avec le ciel et la terre (大乐与天地同和). Les lettrés et les artistes chinois s’efforcent à travers le temps et avec tous matériaux confondus de créer une vision du réalisme et du naturalisme. Notre petit vase en jade jaune n’est pas seulement beau par ses couleurs, mais aussi par la maîtrise parfaite des incisions légères et profondes, nous donnant l’impression d’être en présence d’un chou frais, gorgé d’eau, avec ses délicates feuilles superposées parfaitement vraisemblables !
Objets en rapport
Par sa mission diplomatique, Zhang Qian (138 – 126 av. notre ère) ouvre la route de la soie et favorise l’introduction du bouddhisme en Chine au milieu du Ier siècle. Pour que le bouddhisme s’intègre et se propage en Chine, les iconographies bouddhiques se mélangent petit à petit aux styles locaux notamment à partir de l’époque des Sui et des Tang (6 – 9e siècle). L’art bouddhique est fréquemment au cœur des activités du département. Le Bouddha Siddhartha Gautama est le fondateur du bouddhisme. Né vers 400 av. notre ère, il est à l’origine du plus grand mouvement religieux ayant circulé à travers l’Asie, de l’Afghanistan au Japon, en passant par le Tibet.
Notre statuette associe deux couleurs de jades néphrites : céladon et épinard. Le contraste des deux couleurs donne un rendu serein et majestueux. Assis en méditation en virasana sur un double socle lotiforme, les deux mains se rejoignent portant un petit stūpa, une architecture reliquaire typiquement bouddhique pour conserver le corps du Bouddha à son origine. Son visage souriant aux yeux clos exprime une grande sérénité. Il porte un pectoral en résille ouvragée avec une robe aux plis légers nouée sur le torse. Au dos, une mandorle impressionnante en jade épinard exalte le Bouddha, finement ciselée et ajourée de fleurs de lotus et flammes. La figure du Bouddha et la mandorle ajourée représentent un immense travail. Le Bouddha est véritablement travaillé à partir d’un seul bloc de jade que l’artisan s’est employé à couper, sculpter, ciseler et polir pendant des semaines, voire des mois. Deux types de jade avec deux contraintes de travail ont été réunis sur cet objet exceptionnel. C’est une prouesse technique importante dont il faut tenir compte dans l’appréciation de ce travail. Par sa taille, nous supposons que ce bouddha en jade avait été commandé et adoré sur un autel pour une famille aisée, croyante, de la fin de la dynastie des Qing.
Objet en rapport
La Peinture
Xu Beihong (徐悲鸿 ; 1895-1953) est l’artiste le plus important de l’art moderne chinois. Arrivé en France en 1919, il fut le premier artiste académique chinois diplômé de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. Retourné en Chine dès 1927, il devient le fondateur de l’École des Beaux-Arts de Nankin. Inspirés par son parcours, de nombreux artistes chinois comme Lin Fengmian, Sanyu, Chu Teh-chun, et Zao Wouki ont tous choisi la France pour étudier les Beaux-Arts. Ancien portraitiste, la représentation des chevaux et d’autres animaux est devenue son sujet favori.
Notre peinture Coq sur rocher est un cadeau d’amitié dédicacé pour une demoiselle Marty et daté mai 1926, correspondant à la fin de son séjour en France. Xu Beihong réalise cette peinture de manière traditionnelle : à l’encre de Chine avec de légères couleurs sur papier. Les lignes sont simples et déliées mais précises. Le sujet représenté est un coq noir avec une crête extrêmement rouge. Debout, fier, seul sur un rocher haut, il tourne sa tête vers la gauche. Loin d’être un peintre classique, les animaux sous le pinceau de Xu Beihong portent toujours un sens métaphorique. Nous savons notamment que la représentation des coqs symbolise le patriotisme pour le peintre.
Œuvres en rapport
Mai Trung Thứ est un artiste d’origine vietnamienne né en 1906. Il a fait partie de la première promotion de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts d’Indochine (ENSBAI), fondée à Hanoï par le peintre français Victor Tardieu. Invité à l’Exposition coloniale internationale de Paris en 1931, il découvre la France et l’ambiance très propice aux artistes qui y règne. Il décide de s’y installer en 1937 et y demeurera jusqu’à la fin de ses jours.
A mi parcours entre deux traditions artistiques, Mai Trung Thứ peint sur soie, le medium traditionnel est-asiatique par excellence, tout en employant l’encre et la gouache. C’est ce qui rend son œuvre si unique. Les thèmes et les personnages qu’il peint rendent hommage à la culture de son pays d’origine : vêtements et ao dai traditionnels, clairs de Lune poétiques et instruments de musique vietnamiens. Il vient en effet d’une famille aisée et a reçu une éducation confucéenne classique.
Ce qui demeure frappant dans la peinture de “Mai Thu”, c’est son attrait pour les sujets générationnels, les scènes d’enfants et adolescents entourant mères, grand-mères et grands-pères, illustrant la transmission entre générations. Mai Thu est le peintre de la famille. Le 5 décembre dernier nous présentions une peinture intitulée “Jeune mère et ses deux filles” dont le regard dirigé vers le lointain des trois personnages peints sur un fond crépusculaire exprime peut-être la gravité, la difficile charge de la responsabilité d’une mère encore dans la fleur de l’âge. Un sujet d’une grande profondeur qui s’éloigne quelque peu des scènes de tendresse et de joie que Mai Thu nous a délivrées plus fréquemment. La Maternité en général est un sujet qu’il affectionne depuis sa rencontre avec les maîtres de la Renaissance.
Œuvre de rapport
Après cette riche année, nous sommes très optimistes pour 2023 et avons hâte de découvrir et de nous faire partager de nouvelles histoires, de rencontrer d’autres passionnés d’art asiatique et leurs trésors cachés. Nous continuerons de valoriser le mieux possible ces objets afin qu’ils soient transmis aux mains d’autres amoureux et collectionneurs d’art asiatique en Europe, en Amérique et en Asie. Nous demeurons toujours à vos côtés pour estimer vos objets en toute confidentialité et en faire la promotion. Nos ventes sont organisées de manière trimestrielle à des dates choisies en rapport avec l’actualité du marché de l’art asiatique sur les plus grandes places internationales.
Le Département Asie-Orient vous souhaite de joyeuses fêtes et une belle année 2023 !
CONTACTS
Déborah TEBOUL | Directrice du Département
[email protected] – +33 1 53 30 30 57
Wei WANG | Spécialiste
[email protected] – +33 1 53 30 30 65