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Découverte d’une œuvre inédite, restée dans la famille du commanditaire en vente le 27 mars

 

Vente le 27 mars 2025

 

Johann Friedrich Overbeck (Lübeck, 1789- Rome, 1869)
L’Annonciation
Toile – 79 x 51,5 cm
Monogrammé et daté au centre « FO. / 1820 » ;
porte une étiquette ancienne au revers du cadre « T.27 »
Restaurations anciennes

100 000 / 150 000 €

 

Nous remercions de Prof. Dr. Michael Thimann de la Georg-August-Universität à Göttingen, spécialiste de l’artiste et auteur de la monographie (2014), de nous avoir confirmé l’attribution de ce tableau à Overbeck, sur la base d’une photographie numérique en janvier 2025 et d’avoir souligné le lien de notre tableau avec celui de Peter von Cornelius conservé à Münich.

 

PROVENANCE

Toujours resté dans la famille par descendance :
– Commandé à l’artiste en 1815 par Friederich Ernst Carl Fromm (1776-1846), conseiller supérieur de la cour d’appel du grand-duché de Mecklembourg-Schwerin, livré en 1820 ;
– Collection de sa fille Bertha Fromm (1819-1905). Elle épouse le prof. Friedrich Hermann Stannius le 1er octobre 1841 à Rostock ;
– Collection de Bertha Stannius (1844-1915). Elle épouse Hermann Ernst Christian Förster le 28 mai 1874 à Rostock ;
– Collection de sa fille Margerete Auguste Sophie Emma Johanna Förster (1878 – ?). Elle épouse Georg Willibad Gustav Adolf Franz Bernhard, baron von Vietinghoff-Scheel le 2 octobre 1897 à Göttingen ;
– Collection de sa fille Ilse Bertha Valeska baronesse von Vietinghoff-Scheel (1899-1990). Elle épouse Hellmuth Heinrich Hermann Ernst Castorf le 5 décembre 1925 à Cassel ;
– Collection de sa fille Ilse Marianne Hedwig Castorf (1933-1990) ;
– Collection de son fils

La découverte de cette oeuvre inédite, citée dans la correspondance de Johann Friedrich Overbeck et restée dans la famille du commanditaire depuis l’origine, constitue une émouvante réapparition tant les tableaux de cet artiste sont peu nombreux. Notre tableau date des premiers temps du courant Nazaréens, lorsque ce mouvement est le plus innovant et qu’Overbeck en est le chef de file. Plus généralement, les oeuvres des Nazaréens sont presque absentes du marché de l’art, puisque quasiment toutes sur fresques  ou conservées dans des musées allemands.

Commandée en 1815 par le président du tribunal de Rostock, Friedrich Fromm, notre oeuvre était conservée jusqu’en 1992 avec Les Trois Marie au tombeau (toile, 63,2 x 75,2 cm) de Peter von Cornelius, acquis en 1992 par la Neue Pinakothek de Münich (commandée en 1815, livrée en 1822).

 

Notre composition n’était jusqu’à présent connue que par trois oeuvres graphiques de l’artiste

Le carton préparatoire de 1815, livré ave le tableau à Friedrich Fromm par l’intermédiaire des parents d’Overbeck (acquis par le museum Behnhaus Drägerhaus de Lübeck en 1991 (ill. 1) ;
Un dessin à la pierre noire, daté 1814 (acquis auprès de l’artiste en 1831 par Emilie Linder et aujourd’hui au Kupferstichkabinett de Bâle) ;
Et une aquarelle de 1816-1817 (donnée par l’artiste à Hermann Nolte et aujourd’hui au Museo Nacional de San Carlos, au Mexique).

Sur ces deux derniers dessins, L’Annonciation constitue la partie gauche d’un diptyque avec La Visitation à droite. Ces dessins montrent un vase avec le lys au centre, un pavement et un paysage différents. Sur la toile (notre tableau), l’artiste a supprimé le vase (un repentir) et a ajouté la tige fleurie dans la main gauche de Gabriel. Il a aussi changé la couleur du vêtement de Joseph. Enfin, notre tableau a été lithographié à Hambourg en 1822. Ces dessins témoignent du long et précieux travail d’Overbeck considérant ses oeuvres comme des révélations poétiques et spirituelles.

Ill. 1 – Carton préparatoire, 1815, crayon sur papier,
Musuem Behnhaus Drägerhaus, Lübeck, inv nr. 2006/9

 

La composition

Cintrée à la manière des retables italiens, notre Annonciation propose une synthèse mêlant avec virtuosité des éléments gothiques et Renaissance, s’inspirant autant des maîtres italiens que de ceux de l’école du Nord. L’espace est étagé sur plusieurs plans.

Au premier plan, une loggia, fermée par une colonnade ornée de chapiteaux corinthiens, abrite la scène religieuse, évoquant les modèles flamands tel que la Vierge au Chancelier Rolin de Jan Van Eyck (ill. 2. Musée du Louvre), rapprochement renforcé par les lignes de fuite du pavement géométrique au sol. Elle est surmontée d’une voûte à croisée d’ogives dont les nervures convergent en son centre.

Sur la gauche, selon les principes de la perspective albertienne du Quattrocento, on découvre un portique dorique, un puit équipé d’une poulie, suivi d’un bas-côté d’église avec un campanile (mur-clocher) dans son prolongement. L’édifice religieux présente un balcon en console, inspiré des architectures des primitifs du Trecento tels qu’on en voit chez Giotto ou Duccio.

La construction de l’espace se poursuit par une balustrade, au-delà de laquelle quelques marches mènent à un jardin évoquant l’Hortus Conclusus médiéval, symbole de la virginité de Marie tiré du Cantique des Cantiques : « Tu es un jardin clos, une source scellée ». Au centre de ce parterre, Saint Joseph apparaît en jardinier, arrosant des fleurs décrites avec une précision digne d’une enluminure : roses (symbole de la conception immaculée), ancolies, violettes, iris et muguet.

Plus loin, au-delà d’une clôture en bois, un paysage lacustre alpestre est bordée de bâtiments du Moyen-Age : un beffroi à colombages et de l’autre côté de la rive, une église gothique avec son toit en forme de flèche. À droite, les murailles d’un château médiéval sur un escarpement rocheux, ne sont pas sans rappeler l’aquarelle d’Albrecht Dürer, la Vue de la vallée de l’Arco (Musée du Louvre).

 

Ill. 2. Vierge au Chancelier Rolin de Jan Van Eyck,
Musée du Louvre

 

Les figures s’inspirent des maîtres de la Renaissance florentine et ombrienne, de la manière douce du Pérugin, du Pinturicchio à travers plusieurs sources. L’archange Gabriel, en posture de révérence, porte une branche de lys, symbole de la pureté de la Vierge. Marie était en train de lire au moment de l’annonce de l’envoyé de Dieu et son visage est empreint d’une douce expression d’humilité. Le visage de la Vierge a été mis en place dès 1811 par Overbeck dans son tableau Madonne devant le mur (panneau, 30,6 x 23,2 cm) de 1811 (ill. 3. conservé au Museum Behnhaus Drägerhaus de Lübeck). Dans le ciel la colombe du Saint-Esprit est discrètement intégrée, en parfait alignement vertical avec Saint Joseph. L’ensemble est plongé dans une lumière douce, égale, cristalline, caractéristique du Quattrocento. La limpidité du ciel et la forme des nuages rappellent Bellini, Cima da Conegliano, ou les Raphaël peints vers 1500.

 

Ill. 3. Madonne devant le mur, 1811, panneau, 30,6 x 23,2 cm,
Museum Behnhaus Drägerhaus de Lübeck

 

Le mouvement Nazaréen

En 1809, Overbeck et Franz Pforr s’opposent à l’esthétique néoclassique telle que l’avait définie Winckelmann. Ils font sécession contre l’enseignement qui leur est prodigué à l’Académie de Vienne et fondent avec d’autres artistes la Guilde de Saint-Luc (Lukasbund). La même année, ils s’installent à Rome. Ils se convertissent au catholicisme et prennent le nom de « Nazaréen ». (Issu d’une famille protestante, Overbeck se convertit au catholicisme en 1813). Ils sont rejoints par Philipp Veit, Peter von Cornelius, Julius Schnorr von Carolsfeld, Friedrich Wilhelm Schadow et quelques autres. Leur but est de régénérer la peinture en revenant à la pureté originelle de l’art chrétien des primitifs, du Quattrocento, en étudiant les oeuvres de Dürer et celles de la première période de Raphaël, avant 1507, en Ombrie et à Florence.

A l’exemple de Fra Angelico, ils souhaitent exprimer des sentiments purs, réconcilier l’Idéal et la Réalité. Ils habitent au monastère abandonné de San Isodoro sur le Monte Pincio, se nomment frères entre eux, chacun vivant et travaillant dans une cellule de moine, ce qui constitue la première association de peintre des Temps Modernes.

Après la mort prématurée de Pforr en 1812, Overbeck reste seul leader. Après l’arrivée de Cornelius en 1811, la fraternité reçoit la commande de décoration des fresques du palais de Jacob Salomon Bartholdy, consul général de Prusse (aujourd’hui exposées à la Alte Nationalgalerie de Berlin) et ensuite du pavillon de chasse du prince Francesco Massimo, toujours en place au Latran à Rome. Après 1818, la plupart des membres de la confrérie sont chacun amenés à diriger une académie allemande, à l’exception d’Overbeck, qui malgré des sollicitations semblables, choisit de rester à Rome. Il peint les deux manifestes du groupe, le célèbre Italia et Germania (1811-1829, Munich, Neue Pinakothek, ill. 4), et le Triomphe de la Religion dans les Arts (1840, Francfort, Städel Museum).

Notre toile a influencé le jeune Julius Schnorr von Carolsfeld (1794-1872) dans la famille de Saint Jean-Baptiste visitant la famille du Christ de 1817 (Gemäldegalderie, Dresde) et dans sa propre Annonciation de 1818 (Alte Nationalgalerie, Berlin, ill. 5) qui montrent des solutions plastiques assez semblables à celles d’Overbeck.

 

Ill. 4. Friedrich Overbeck, Italia et Germania, Neue Pinakothek

 

Ill. 5. Julius Schnorr von Carolsfeld, Annonciation, 1818, Alte Nationalgalerie, Berlin

 

 


 

INFORMATION

Vente « Tableaux & dessins anciens »

Jeudi 27 mars, 14h30
Tajan, 37 rue des Mathurins, 75008 Paris

 

CONTACTS
Thaddée Prate – Directeur Tableaux & dessins anciens
+33 1 53 30 30 47 – [email protected]

Cabinet Turquin – Expert
[email protected]

Ariane de Miramon – Directeur Presse, communication & marketing
+33 1 53 30 30 68 – [email protected]

 


 

BIBLIOGRAPHIE

– Lettre d’Overbeck à ses parents et à son frère, datées du 8 juin 1820 et du 30 mai 1823 (voir Thimann notes 136 et 138) ;
– V. Jent, Emilie Linder 1797-1867. Studie zur Biographie der Basler Kunstsammlerin und Freundin Clemens Brentanos, Berlin, 1970, pp. 28, 30 et 54 (peinture perdue) ;
– Catalogue de l’exposition I Nazareni a Roma, Rome, Galerie Nationale d’Art Moderne, 22 janvier – 22 mars 1981, cité sous le n°69 (peinture perdue citée par Jent) ;
– M. Thimann, Overbeck und die Bildkonzepte des 19 Jahrhunderts, Ratisbonne, 2014, PP. 253-255 (tableau perdu).