NEWS

Entre figuration et abstraction, Willem de Kooning aux enchères le 7 juin 2023

Vente Art d’Après-Guerre & Contemporain
Le 7 Juin 2023 à 19h chez Tajan à Paris

 

 

PARIS – Le département Art Contemporain de la Maison de ventes Tajan dévoile Woman, une huile, graphite et fusain sur papier réalisé par Willem de Kooning en 1946, qui sera vendu sous le lot 8 à la vente « Art d’Après-Guerre & Contemporain » le 7 juin 2023.

 

 

 

WILLEM DE KOONING (1904-1997)
Woman, 1946
Huile, graphite et fusain sur papier
Signé en bas à droite
26 x 26 cm – 10 ¼ x 10 ¼ in.

800 000 / 1 200 000 €

 

Voir le lot

EXPOSITIONS
Roslyn, Nassau County Museum of Fine Art, The Abstract Expressionists and Their Precursors, 20 janvier-22 mars 1981, reproduit sous le n°14 p. 31 du catalogue de l’exposition
Miami, Frances Wolfson Art Gallery, The Spirit of Paper: Twenteth Century Americans, 3 juin-29 juillet 1982, reproduit sous le n°7 du catalogue de l’exposition
Davenport, Davenport Art Gallery, American Works on Paper: 100 Years of American Art History, a touring exhibiton organized by Smith Kramer Art Connectons that toured through the United States, 11 décembre 1983-29 décembre 1985, reproduit sous le n°20 p. 30 du catalogue de l’exposition
New York, Allan Stone Gallery, Willem de Kooning: Liquefying Cubism, 27 octobre 1994-22 janvier 1995, reproduit sous le n°21 du catalogue de l’exposition

 

Avec ses couleurs vives et sa maîtrise affirmée de la ligne, Woman (1946) illustre de façon saisissante l’expressionnisme singulier, entre figuration et abstraction, qui a permis à de Kooning de s’imposer comme l’une des figures majeures de sa génération. Débordant d’une, énergie débridée et évoquant une beauté à la fois sensuelle, gracieuse, et troublante, la composition éclate sur le format intime du papier renforçant davantage la puissance de son impact et le talent de celui que la critique qualifiera de « géant de la peinture nord-américaine ». Avant de changer de mains, Woman (1946) a appartenu à l’artiste américaine d’origine polonaise Janice Biala. C’est par l’intermédiaire de son mari, le dessinateur renommé du New Yorker Daniel Brustlein, lorsqu’il l’emmène dans l’atelier de Willem de Kooning en 1942 et lui offre un tableau en guise de cadeau d’anniversaire, qu’elle fait la connaissance du peintre. De forts liens d’amitié se tissent dès lors. C’est grâce à Janice que de Kooning est invité à participer à l’exposition « A Selection of Paintings of the Twentieth Century » à la Bignou Gallery, New York, aux côtés de Chaim Soutine en 1943. Véritable soutien de l’artiste, le couple, qui organisera même sa fête de mariage avec Elaine plus tard la même année, fera l’acquisition de plusieurs œuvres dont celle que nous présentons.

Woman a été réalisé en 1946, date à laquelle de Kooning devient l’objet d’une attention particulière dans le milieu artistique newyorkais. C’est en effet à cette période que les galeristes, dont Charles Egan qui lui offrira son premier solo show en 1948, et la critique commencent à montrer un intérêt plus grand pour la jeune peinture américaine. Le terme d’« expressionnisme abstrait » fait son apparition le 30 mars 1946 dans un article du critique d’art Robert Coates publié par le très respecté New Yorker. Parcouru par des influences européennes, il n’en constitue pas moins le premier véritable courant d’art abstrait éclot outre-Atlantique dont les éminents – et influents – penseurs et théoriciens américains, Clement Greenberg et Harold Rosenberg, se feront les hérauts. Néanmoins, même si son héritage est indéniablement ancré dans l’avant-garde de l’expressionnisme abstrait, cette affiliation n’a jamais convenu à de Kooning pour qui la figure féminine a toujours été un sujet particulièrement fertile. « La chair est la raison pour laquelle la peinture à l’huile a été inventée », a-t-il un jour fait remarquer. En revenant continuellement à la figure, il s’est frayé une voie lui permettant de se libérer des pressions de la composition formelle, de se dégager de l’antagonisme entre art figuratif et art abstrait.

Lorsqu’il peint Woman en 1946, il a achevé sa première série de peintures sur la femme du début des années 40, présentant des figures assises ouvertement féminines et pouvant rappeler les portraits d’Ingres, d’une manière qui fait exploser les connexions déjà fragiles entre les partes du corps. Mettant derrière lui son respect pour la représentation traditionnelle, il se met à explorer une nouvelle possibilité représentative, dérivée du Surréalisme et du Cubisme, pour reconstituer la forme humaine dans ce qui aboutira à la série qu’il entame à l’aube des années 1950, et dont Woman I conservée au MoMA constitue le point d’orgue. Woman (1946) marque ainsi une période de transition. Suite au démembrement du corps dans Pink Angels (1945), il cherche à recoller les morceaux et, pour ce faire, se tourne vers le dessin. Mais plutôt que de regarder du côté de sa pratique de la fin des années 1930 qui venait de sa formation académique, il revisite son héritage de la représentation, dans des œuvres sur papier complexes, pour créer une vision esthétique totalement distinctive. De Kooning continue néanmoins d’exploiter le canon historique de l’art occidental et notamment le motif classique du nu féminin allongé à la manière des femmes algériennes de Delacroix et de Matisse, ou de l’Olympia de Manet. Telle une allusion aux intérieurs luxueux de ces peintures classiques, l’héritage est revendiqué pour mieux être détruit, de Kooning ne définissant pas l’espace de manière décisive. Si l’on remonte plus loin et ainsi que le décrit Constance Schwartz, Woman (1946) pourrait également être vu comme un « torse féminin paléolithique abstrait, prototype de la Vénus de Willendorf » (in The Abstract Expressionists and Their Precursors, cat. exp. Nassau County Museum of Fine Art, 1981, p. 29). Interrogé sur son mode de représentation de la femme, de Kooning affirmera lui-même avoir été fortement influencé par les figures mésopotamiennes aux grands yeux et aux formes volumineuses exposées au Metropolitan Museum de New York et par l’art primitif du nord de l’Europe, soulignant les références à la Vénus de Willendorf.

Jaillissant du format intme et précieux du papier, Woman (1946) témoigne du peu de distinction pour l’artiste entre le dessin et la peinture au cours de cette période de sa carrière. La pette taille de l’œuvre dément en effet l’énergie vigoureuse du coup de pinceau. Alternant furieusement entre le fusain, le graphite et l’huile, l’artiste atteint une densité incroyable par l’emploi de couleurs expressives qui, condensées dans une composition semblable à un joyau, transmettent toute la vigueur énergique de son action. Le jaune radieux éblouit instantanément l’œil. A ce propos, de Kooning avait déclaré : « Je crée ces couleurs vives de chair. Tout ce dont j’avais besoin, c’était du blanc et de l’orange pour me donner une couleur idéale, une couleur plate bizarre comme celle des poupées bavaroises. Je l’ai faite de manière totalement arbitraire ». Les lignes courbes et fluides, qui produisent l’illusion d’une figure en mouvement, sont contrebalancées par la configuration géométrique divisant le fond et suggérant une certaine profondeur de l’espace. Le contour vert émeraude audacieux émergeant de l’arrière-plan et le carré bleu évoquant une fenêtre, signifiant l’existence métaphorique d’un espace alternatif au-delà des limites dimensionnelles de la feuille, sont autant d’éléments qui présentent des parallèles avec des portraits antérieurs de la première série Woman du début des années 1940 (Seated Woman, c. 1940 et Woman, 1944). Cependant le désordre anatomique et le visage – dont seuls subsistent de larges yeux noirs et un sourire satisfait rayonnant vers le haut – empreint d’une suggestivité érotique à la fois douce et dérangeante, laissent présager de ses explorations ultérieures de la figure humaine mêlant beauté et brutalité.

Éminente démonstration des innovations formelles qui allaient définir l’héritage singulier de l’artiste, Woman nous entraîne dans les profondeurs de l’exploration par de Kooning des notons supposément antithétiques d’abstraction et de figuration. À une période où la figure humaine était considérée comme un sujet obsolète, de Kooning s’était défendu en déclarant : « La femme a été peinte à travers tous les âges. Pour un artiste d’aujourd’hui, il est absurde de la peindre à nouveau. Mais refuser de la peindre est tout aussi absurde ». Woman révèle dans toute sa splendeur, avec la même énergie et la même intensité qui définissent ses meilleures toiles, la manière dont de Kooning s’est efforcé de faire ce lien entre les influences du passé et le courant dominant à l’époque pour créer sa propre esthétique synthétisant figuration et abstraction de façon inégalée.

 


 

 

DÉCOUVRIR LA VENTE « ART D’APRÈS-GUERRE & CONTEMPORAIN »

 

INFORMATIONS SUR LA VENTE

Vente Art d’Après-guerre & Contemporain
Vente du soir – 7 juin 2023 – 19h

 

CONTACT
Julie Ralli | Directeur Département Art Contemporain
T. +33 1 53 30 30 55
[email protected]