« L’Etoile Mystérieuse » :
Des strips plus originaux que la planche originale
Vente en novembre 2024
Les deux premiers strips de « L’Etoile mystérieuse » présentés dans ce catalogue furent publiés dans le journal Le Soir des 20 et 21 octobre 1941. Ces strips font partie des rares dessins originaux intactes de cette aventure de Tintin, car ils ne furent pas remaniés, découpés, recollés ou recadrés pour les besoins de l’album couleur de 1942. Voici leur histoire :
Quand Hergé réalisa ces deux strips, il était loin de se douter qu’il dessinait le début du premier épisode des Aventures de Tintin à paraître en album couleur. Pour lui, cette mystérieuse aventure étoilée serait publiée plus tard comme toutes ses histoires précédentes, sous forme d’un gros album de plus de 100 pages en noir et blanc, avec, sans doute, quatre grands hors-texte en couleur.
Travaillant depuis près de 10 ans pour Casterman, il savait comment mettre en page ce genre d’album en réorganisant case après case les strips prépubliés dans la presse, dans Le Petit Vingtième d’abord, dans Le Soir plus tard. Que cette façon de travailler n’était absolument pas adéquat pour réaliser un album couleur avec quatre au lieu de trois strips par page et avec quelques quarante pages de moins, cela il ne s’en apercevrait que quatre mois plus tard…
C’est en effet au début du mois de février 1942 qu’Hergé apprit que son éditeur, Louis Casterman, avait décidé de changer la formule des albums Tintin. Comme le papier se faisait rare en temps de guerre, le grand patron de la maison d’édition proposa de publier des albums plus minces, mais aussi, et surtout, plus attirant encore, car imprimés en quadrichromie sur la toute nouvelle presse de son imprimerie à Tournai. Et l’éditeur annonça vouloir commencer tout de suite, avec L’Etoile mystérieuse qui devait paraître, comme de coutume, en fin d’année pour les fêtes. Louis Casterman demanda à Hergé d’envoyer sans tarder une première page au photograveur pour un essai couleur sur base de la nouvelle maquette.
Hergé se retrouva donc à sa table de dessin avec les deux strips qui nous intéressent, et en se demandant comment mettre ces neuf cases au nouveau format imposé par la technique. Et c’est alors qu’il décida de redessiner entièrement cette première page. Comme il était très pressé, il ne réalisa que trois strips basés sur les neuf cases originales, mais il changea le format de ces dernières, en hauteur comme en largeur, selon les besoins de la maquette. Ce remontage, simple mais efficace, fut mis en couleur sur le champ et envoyé au photograveur début mars 1942.
L’éditeur se montra fort enthousiaste et Hergé annonça le 20 mars qu’un nouvel essai, cette fois d’un cahier de huit pages, était mis en chantier. Mais le créateur de Tintin s’était rendu compte qu’il lui était tout à fait impossible de redessiner tous les strips déjà parus, tout en continuant à en dessiner des nouveaux pour le journal. Il lui fallait de l’aide. Or, il ne trouva pas immédiatement un dessinateur capable de l’assister, ou en tout cas pas un qui avait suffisamment de talent ou de temps.
Il fallut donc trouver une autre solution, et vite, car la maison d’édition mettait la pression. C’est à ce moment qu’Hergé entreprit de découper ses strips existants pour les recadrer, les adapter et finalement les recoller sur les planches à dessin en fonction de la nouvelle maquette des albums couleur à soixante-deux pages de quatre strips chacune. Mais comme il était avant tout un homme de presse, il voulut sauvegarder ces strips originaux afin de pouvoir éventuellement les publier plus tard dans d’autres quotidiens.
Et c’est comme ça que les fameuses copies, dites « de sauvegarde », virent le jour. Hergé réalisa à la main des copies de ses strips noir et blanc sur un « bac à lumière » (table lumineuse) avant de les « mutiler » pour la bonne cause de l’édition en couleur… Tâche fastidieuse, mais finalement plus aisée et donc plus rapide à accomplir que celle de tout redessiner. Et Hergé a « sauvegardé » ainsi plus de soixante strips, avant de découvrir, quelques mois plus tard, le moyen de faire des copies photographiques (des bromures, une sorte de photocopies avant la lettre). Sauvé !
Ces strips de L’Etoile mystérieuse, sauvegardés par leur créateur, sont devenus mythiques dans les salles de ventes. Mais les deux strips présentés ici le sont d’autant plus, car ils sont à vrai dire plus authentiques encore que la première planche parue en album couleur. Ils sont l’original de l’original.
Marcel Wilmet – Spécialiste Tintin
©Marcel Wilmet 2024
©tintinimaginatio 2024
Information sur la vente
« Bande Dessinée & Illustration »
Novembre 2024
Tajan, 37 rue des Mathurins, Paris 8
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