Orientalisme
En ce début d’année 2023 le département des Arts d’Orient de la Maison Tajan offre une sélection très complète de tableaux orientalistes dont la part belle est faite aux femmes. Elle sera mise en avant aussi bien en tant que modèle, que peintre.
La femme orientale en tant que modèle peut être nue, son corps restitué fidèlement et magnifié, sans artifice. Dans la peinture d’Edouard Warschavsky (1892-1970), plus connu sous le nom d’Edy Legrand, elle peut sembler n’être qu’un prétexte. Sa peau nue, une grande masse colorée, s’articule et vibre au contact des formes et des couleurs des textiles de la pièce dans laquelle elle se trouve. Elle peut aussi être placée en pleine nature ou bien est-ce la nature qui se déploie autour d’elle ? La jeune marocaine d’Edwin Lord Weeks récolte les oranges et s’agrippe délicatement aux branches de l’arbre, comme une nymphe de la nature. Elle n’est pas nue, la grâce de son geste et son léger déhanché suffisent à exprimer sa sensualité. Enfin, la femme orientale est aussi un sujet brut. Elle peut être représentée uniquement pour ce qu’elle est et ce qu’elle fait. Dans cette très belle peinture d’Édouard Charlemont, elle est représentée dans la vie quotidienne de sa communauté, parée de vêtements et de bijoux traditionnels. La Jeune tunisienne porte une cruche et s’en va probablement au puits chercher de l’eau. Le regard est focalisé sur elle et rien d’autre.
Les femmes artistes présentées dans la vente sont nombreuses : Lilian Mathilde Genth, Marguerite Delorme, Lucienne Epron, Anna Morstadt, Mahieddine Baya, Marguerite Barrière-Prévost, Aline de Senezcourt, Hélène Besnard-Giraudias, Asma M’Naouar, Solange Monvoisin… Cela fait écho à l’exposition qui se déroule actuellement à Evian-les-Bains sur les « Artistes Voyageuses ». C’est l’occasion de découvrir ou redécouvrir l’art et la sensibilité de ces artistes du XIXe et du XXe siècles, ces femmes de tous horizons, occidentales et maghrébines, femmes de dignitaires, voyageuses ou jeunes révélées, qui ont eu parfois à lutter pour apprendre et peindre comme elles l’entendaient. L’exclusion des femmes de l’enseignement au sein des grandes académies des Beaux-Arts, des réseaux d’artistes, des salles d’exposition, la difficile déambulation dans les rues lors de leurs voyages, l’impossibilité de l’étude du modèle vivant et notamment le nu, essentiel à l’appréhension complète des formes du corps humain : nombreux ont été les obstacles à l’épanouissement artistique de ces femmes qu’elles ont toutefois su lever les uns après les autres.
BAYA MAHIEDDINE (1931-1998)
Baya Mahieddine, née Fatma Haddad, est une artiste algérienne qui n’a pas souffert du plafond de verre réservé fréquemment aux femmes peintres dans le monde. Sa révélation dans l’univers artistique intervient très tôt, dès ces seize ans. C’est à cet âge qu’elle expose pour la première fois ses peintures au sein de la galerie parisienne d’Aimé Maeght et qu’elle apparait en bonne place au numéro du mois de février 1948 du magazine Vogue. Musicienne à l’oiseau évoque un thème qui lui est particulièrement cher à partir des années 1960, un sujet la liant notamment à son mari, le musicien El Hadj Mahfoud Mahieddine. C’est un vif témoignage de son univers féminin et coloré ou ondoient des formes organiques et naturelles. Elle connait un succès fantastique en Algérie où ses peintures font l’objet d’expositions individuelles et collectives presque tous les ans jusqu’à sa mort.
ANNA MORSTADT (1874-1946)
Cette artiste d’origine autrichienne a quant à elle étudié à l’École des Beaux-Arts de Paris. Elle expose ensuite au Salon des Artistes Français ainsi qu’au Salon des peintres d’animaux dès le début du XXe siècle. Ses thèmes de prédilections sont les animaux, les scènes de genres et les portraits. Ses voyages l’ont menée en Algérie, en Tunisie et en Afrique subsaharienne. Dans ce contexte, les chameliers, dromadaires et chevaux deviennent ses thèmes favoris, placés au milieu de rues algériennes ou au centre de paysages grand-angle.
Sera présentée dans cette vente une grande peinture de Hassan El Glaoui illustrant une fantasia marocaine, un thème qu’il affectionne. La Fantasia est un art de la reconstitution de scènes de batailles équestres ancestrales, une tradition marocaine célébrée tous les ans au mois de septembre. Le profil fin des chevaux aux contours esquissés en quelques traits de pinceaux est saisissant. Descendant d’une grande dynastie berbère et d’une famille influente, la peinture n’était pas ce à quoi sa famille le destinait. D’abord élève de l’École des Beaux-Arts de Paris, il ne cesse d’exposer dans les grandes galeries de Paris, New York, Londres et Bruxelles, ainsi qu’à Rabat et Casablanca. Une véritable consécration pour l’artiste dont le succès dure jusqu’à sa mort en 2018.
Art islamique
Le volet des arts islamiques proposera du mobilier, de l’argenterie, des métaux, des bijoux, des céramiques, des textiles, des objets de curiosité, des armes, des miniatures, des manuscrits et des calligraphies du Maroc, de Tunisie, d’Inde Moghole et du monde Ottoman.
Les manuscrits figurent en bonne place avec cette grande page de Coran écrite en calligraphie koufique sur vélin et datant du IX ou Xe siècle. Son format vertical évoque les premiers Corans des premiers siècles de l’Islam qui très vite ont adopté le format horizontal dit « à l’italienne » comme ce fut le cas pour le Coran bleu de Kairouan datant sensiblement de la même période.
L’Iran a aussi produit de superbes manuscrits enluminés, comme le montre ce manuscrit d’époque Safavide (1501-1736) très finement calligraphié et signé « Muhammad ibn Mulla Mir ». Il semble être le plus ancien ouvrage répertorié du calligraphe Muhammad ibn Mulla mir al-Husaini al-Ustadi. Il s’agit d’un recueil de poésie de 201 folios réalisé, selon inscription, en 1590. Un Shahnameh copié par lui, attribué à Herat et daté 1606-1607, est conservé au Metropolitan Museum of Art à New York. Les miniatures, finement exécutées, sont réalisées dans le style safavide même si elles semblent postérieures au texte.
Plusieurs pièces en métal seront présentées, dont ce plateau circulaire du XIVe siècle. Fait de laiton gravé et partiellement incrusté d’argent, son décor révèle quatre rondeaux animés de couples de personnages assis, disposés autour d’un rondeau central. Le pourtour est orné d’une frise calligraphiée alternant écriture cursive et koufique. Sa fabrication est probablement due aux artisans de l’école de Mossoul en Irak actuel.
Philhellénisme
Le dernier volet de la vente, dédié au Philhellénisme, présentera des pendules, tableaux, gravures et porcelaines peintes du XIXe siècle, témoignages d’évènements historiques et de l’engagement de personnalités pour la cause de la Grèce contre l’Empire ottoman.
Parmi les évènements historiques dont ils témoignent, la Guerre d’indépendance de la Grèce face à l’Empire Ottoman (1821-1829) est un sujet omniprésent. Cette paire de vases Médicis en porcelaine peinte et dorée est décorée de scènes évoquant la défaite d’Ali Pacha (1750-1822) et des batailles sur fond de port et d’église orthodoxe. C’est ici l’occasion de rappeler non seulement la victoire grecque mais aussi la victoire de l’Église chrétienne orthodoxe.
Enfin, plusieurs pendules en bronze doré seront présentées dont cette belle pendule au Grec dressant son cheval qui étonne par la qualité de sa fonte et de sa dorure. Rarement représenté, ce thème qui n’est ni allégorique, ni relatif aux évènements de la guerre d’indépendance. Cet homme grec n’est ni un soldat, ni un marin, ni un général d’armée, ni une représentation allégorique de la Grèce mais une des rares images de philhellénisme ordinaire qui ne soit pas répertoriée dans l’ouvrage de Stéphan Adler, Les heures du philhellénisme (2018).
ORIENTALISME, ART ISLAMIQUE & PHILHELLÉNISME
LIVE AUCTION
24 janvier 2023, 14h
Hôtel Drouot – Salle 6
EXPOSITION
Samedi 21 janvier de 11h à 18h
Lundi 23 janvier de 11h à 18h
Mardi 24 janvier de 11h à 12h
CONTACT
DÉBORAH TEBOUL /Directrice
+33 1 53 30 30 57
[email protected]
WEI WANG / Spécialiste
+33 1 53 30 30 65
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