Vente Art d’Après-Guerre & Contemporain
Le 7 Juin 2023 à 19h chez Tajan à Paris
PARIS – Le département Art Contemporain de la Maison de ventes Tajan dévoile en exclusivité La part du Vent, une huile sur toile peinte par l’artiste Nicolas de Staël (1914-1955) en 1944-45, qui sera vendue sous le lot 7 à la vente « Art d’Après-Guerre & Contemporain » le 7 juin 2023.
“On voit dans les toiles de cette époque 44, 45, 46, le dessin rentrer de plus en plus et la matière monter en épaisseur. Il peint La Part du vent, Composition en noir, Port Manech […]. La couleur va du noir au gris-vert, aux verts sombres, aux terres
grises, aux noirs-verts, la lumière sort de la toile par couteaux. Un jaune, un bleu, un rouge qui sortent par le tesson d’un vitrail. Des feux de dessous font monter leurs braises autour des formes noires et déjà le poids des formes aiguise des arêtes de lumière. La matière est veloutée et riche comme la surface des hautes mers.”
Anne de Staël
in F. de Staël, Nicolas de Staël catalogue raisonné, Neuchâtel, 1997, p. 102
NICOLAS DE STAËL (1914-1955)
La part du vent, 1944-1945
Huile sur toile
114 x 146 cm
500 000 / 700 000 €
EXPOSITIONS
Berne, Kunsthalle Bern, Nicolas de Staël, 13 septembre-20 octobre 1957, listé sous le n°4 du catalogue de l’exposition
Saint-Paul-de-Vence, Fondation Maeght, Staël, 11 juillet-24 septembre 1972, reproduit sous le n°5 p. 51 du catalogue de l’exposition
Paris, Galeries Nationales du Grand Palais, 22 mai-24 août 1981; Londres, The Tate Gallery, 7 octobre-29 novembre, Nicolas de Staël, reproduit sous le n°7 p. 27 du catalogue de l’exposition
Parme, Fondazione Magnani Rocca, Nicolas de Staël, 10 avril-17 juillet 1994, reproduit sous le n°3 p. 61 et décrit p. 200 du catalogue de l’exposition
Antibes, Musée Picasso, La rencontre Nicolas de Staël Jeannine Guillou, La vie dure, 9 octobre 2011-8 janvier 2012, reproduit p. 83 du catalogue de l’exposition
La Part du vent, œuvre majeure peinte par Nicolas de Staël entre 1944 et 1945, atteste d’une période charnière dans la carrière de l’artiste où « l’acharnement qu’[il] met à peindre, entre désespoir et accomplissement heureux, porte sa peinture à une extrémité qui laisse présager de profonds changements ». Après ses premiers tableaux figuratifs, Staël évolue en 1942 vers des compositions abstraites, sans doute au contact d’Alberto Magnelli, rencontré cette année là à Grasse et dont il admire profondément l’œuvre. Il n’a pas encore 30 ans. De retour à Paris en septembre 1943, avec Jeannine Guillou et leurs deux enfants, il rencontre Domela à qui l’avait adressé Magnelli. L’artiste néerlandais, grande figure de la peinture abstraite, vit à Paris depuis 10 ans et va devenir un interlocuteur essentiel pour le jeune peintre. Dans un Paris marqué par des années de privations et d’oppression, Staël trouve paradoxalement une sorte d’exaltation artistique. « Paris a une allure de dignité peu commune, je ne l’ai jamais vu aussi beau. On est encore tout émus d’habiter un tel palais, tout y est plus facile qu’à Nice. Et il y a cette fièvre de travail qui vous saisit véritablement alors qu’elle est si difficile à Nice » écrit-il à Magnelli. L’abstraction fait alors figure de symbole de résistance et Jeanne Bucher, qui soutient toutes les avant-gardes de son temps, va être la première à lancer le jeune Staël. Elle inaugure ainsi le 6 janvier 1944, dans la plus grande confidentialité pour échapper à la censure, une exposition intitulée « Kandinsky (peintures et gouaches) – César Domela (trois tableaux-objets) – Nicolas de Staël (peintures et dessins) ». Si peu de tableaux sont vendus, c’est l’occasion de nombreuses rencontres déterminantes pour Staël avec amateurs d’art et artistes parmi lesquels Georges Braque, l’industriel Jean Bauret ou encore André Lanskoy. Ce dernier, arrivé en France en 1921 et ayant évolué vers une expression totalement abstraite dès 1938, encourage l’artiste à poursuivre ses recherches formelles de 1942 lui apportant ce qui selon lui « lui fait encore défaut : une matière riche, épaisse, grumeleuse où tons sombres et couleurs vives s’accordent ».
Contrairement à ses œuvres plus tardives traversées par des couleurs vives et des formes épurées, l’artiste pratique alors une peinture sombre et riche en effet de texture. Cette palette de couleurs et les couches épaisses de pigments évoquent une certaine obscurité dont est empreinte l’atmosphère troublée de l’époque ainsi que les difficultés personnelles de l’artiste. « Le manque d’argent pour acheter des couleurs, même si un noir, un blanc ne sont pas chers, et un rouge, un jaune à prix d’or, n’est pas à l’origine de la tonalité de ces peintures qui travaillent si sensiblement la lumière dans une obscurité. C’est une « nécessité d’âme » que celle de ces rapports – un chant grégorien –, qui, dans la concentration de trois notes, les fait sonner de toutes leurs possibilités et crée une intensité colorée » écrit Anne de Staël.
De cette palette sombre, allant dans La Part du vent du noir au gris vert, aux verts sombres, aux terres grises, aux noirs-verts, filtrent des éclats de lumière qui semblent sourdre des profondeurs. Ainsi, un bleu, un rose, un blanc sortent comme à travers un fragment de vitrail. L’œil du spectateur ne trouve d’échappatoire dans l’agitation des lignes courbes et droites de la composition où règne une tension entre abstraction et figuration. L’artiste n’oppose pas en effet les deux courants. Comme l’écrit René Micha, « il veut les deux : une peinture « abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation de l’espace ». La Part du vent est en ce sens très révélatrice de l’approche ambivalente qui se manifestera tout au long de la carrière de l’artiste. Anne de Staël la décrit ainsi : « Figure et abstraction sont tenues l’une à l’autre. […] En rapport avec La Part du vent qui dans ses détails rassemblés fait le tour d’une arche secouée par une tempête qui recompose le tout dans une assise du monde nouvelle. Les fenêtres, les unes éteintes, les autres allumées dans la composition de ces différentes lames en triangles affûtées, conduites dans la retombée de la vague qui a tout bouleversé en « recomposant ».
Exposée à plusieurs reprises et notamment lors des importantes rétrospectives au Kunsthalle de Berne (1957), aux Galeries Nationales du Grand Palais, Paris (1981) ou encore à la Tate Gallery, Londres (1981), La Part du vent éclaire l’approche si singulière de l’abstraction par l’artiste. Selon les mots de Marie du Bouchet, « Avec La Part du vent […] Staël trouve ici l’expression d’une vision intérieure qui définit les éléments d’une poétique personnelle que l’on retrouvera comme une constante dans ses œuvres à venir ».6 Sa provenance témoigne également de la profonde amitié entre Staël et un cercle parisien dans un Paris de fin de guerre culturellement florissant. La Part du vent a en effet appartenu à Louis Gabriel Clayeux, ami fidèle et admirateur de la première heure. Alors assistant de Louis Carré, il négociera pour lui un contrat auprès du célèbre galeriste l’année suivante et conservera la toile dans sa collection pendant près de quarante ans.
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INFORMATIONS SUR LA VENTE
Vente Art d’Après-guerre & Contemporain
Vente du soir – 7 juin 2023 – 19h
CONTACT
Julie Ralli | Directeur Département Art Contemporain
T. +33 1 53 30 30 55
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