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Une œuvre d’Edouard Manet inédite aux enchères !

 

Le département Art Impressionniste et Moderne présentera, à l’occasion de sa prochaine vente du soir, le 23 novembre prochain, un tableau d’Édouard Manet, intitulé Moïse sauvé des eaux.

 

EDOUARD MANET - « Moïse sauvé des eaux » - Huile sur toile - 51 x 61 cm - Non daté - Estimation : 500 000 €. Provenance : Collection particulière

Ce tableau reprenant un sujet religieux est, à l’image de la Nymphe surprise, une œuvre faisant le trait d’union entre les copies de maîtres anciens des années 1850 et les toiles majeures qu’il réalisa à partir de 1862.

Édouard Manet. La nymphe surprise, huile sur toile, 1859-61, signé et daté en bas à gauche. Conservée au Museo Nacional de Bellas Artes, Buenos Aires.

"Personne comme peintre n’a plus étudié que Manet, pour se rendre maître du métier."

C’est ainsi que Théodore Duret définit Manet, dans son ouvrage Histoire d’Édouard Manet. Après avoir échoué à son examen d’entrée dans la marine, et on obtenant le soutien de ses parents, Edouard Manet commence sa formation de peintre en intégrant en 1850 l’atelier du célèbre portraitiste et peintre d’histoire, Thomas Couture. La relation entre le maître et l’élève n’était qu’une longue suite de heurts et de fâcheries en raison de leurs divergences artistiques. Le maître défendait un art fait de traditions, où les seuls sujets dignes de l’art étaient les scènes de l’antiquité ; tandis que l’élève préférait les sujets réalistes représentant les hommes de son temps avec leurs redingotes et leurs vêtements usuels.  En 1856, les deux hommes font de nouveau face à une dispute mais dont l’issue, cette fois est irréversible ; Manet quitte l’atelier et les deux hommes ne se reverront plus.

En quittant l’atelier de Thomas Couture, Manet n’abandonne pas son désir d’intégrer les Salons, au contraire, il souhaite continuer à s’enrichir et se former. « Avant d’aborder les Salons, il me faut, disait-il, aller déposer ma carte chez les grands ancêtres. » (A. Proust, Edouard Manet, Souvenirs, Paris : L’échoppe, réédition 2014, p. 88).

C’est dans cette démarche, de recherches des grands maîtres, que Manet se lance dans une série de voyages qui marquera son œuvre. En suivant les pas des modèles du XVIIIè, tels que Jacques-Louis David (1748-1825) ou Elisabeth Vigée Le Brun (1755-1842), Manet entreprend son propre Grand Tour et son éducation picturale. L’autoportrait de Filippino Lippi, que Manet a reproduit en 1858 dans une adaptation très touchante, aujourd’hui au Musée d’Orsay, est admiré aux Offices de Florence. La Leçon d’anatomie de Rembrandt (1606-1669), qui l’émerveille à La Haye, le marque également, alors il en fait une version personnelle. Manet fait tout un périple en Europe centrale et en Espagne. La conclusion est sans appel, et de tous ces grands peintres, c’est Vélasquez que Manet déclare être « le plus grand peintre qu’il y ait jamais eu », dans une lettre adressée à Baudelaire, en 1865.

Dans ses Souvenirs, le grand critique d’art et confident de Manet, Antonin Proust (1832-1905), rapporte :

« Il voyagea en Hollande, en Italie, en Espagne. Quand il rencontra, en Espagne, chez Velasquez, la préoccupation de la simplicité du dessin et de la transparence de la coloration, il se sentit heureux comme un homme qui se retrouve parmi les siens, après une exploration dans un pays où sa langue est ignorée.
L’influence que Velasquez eut sur lui, il ne la niait pas, il la confessait.
La consciencieuse sincérité des Primitifs italiens l’émut et la hardiesse des partis pris de Franz Hals lui causa, en Hollande, une telle impression que, revenu à Paris, armé de tous ces souvenirs, il se décida à aborder franchement les divers aspects de la vie parisienne.
La vie de Manet est, à cet égard, un super exemple de loyauté. De 1858 à 1860, il fait une série d’études, l’Étudiant de Salamanque, Moïse sauvé des eaux, la Toilette, la Promenade, en notant simplement au dos de ces études ce que les maîtres qu’il admire lui ont appris. »

A. Proust, Edouard Manet, Souvenirs, Paris : L’échoppe, réédition 2014, p. 88 – 89

 

Le tableau présenté ici, a probablement été peint durant la période de 1856 à 1860. En effet, dans les souvenirs d’Antonin Proust, on sait que Manet avait, à cette époque, commencé à peindre « un grand tableau » dont le sujet était Moïse sauvé des eaux. 

Edouard Manet, Etude pour la nymphe surprise, 1861.

"Manet avait commencé rue Lavoisier un grand tableau, Moïse sauvé des eaux, qu’il n’a jamais achevé, et dont il ne reste qu’une figure qu’il a découpée dans la toile et qu’il a intitulée La nymphe surprise."

A. Proust, Édouard Manet, Souvenirs, Paris : L’échoppe, réédition 2014, p. 25

Dans l’œuvre que nous avons l’honneur de présenter, on sent encore la main entraînée à l’atelier de Couture ; ne serait-ce que par le choix du sujet biblique. Il y a, à ce titre, une dizaine d’œuvres reprenant les thèmes classiques, ce qui peut être étonnant, pour l’un des chefs de file de l’impressionnisme. Le lien filial représenté ici de manière douce et précieuse fait écho aux représentations de maternité par Raphael (1483-1520), qui humanise l’enfant Jésus. En contraste avec la peau de porcelaine de la fille de Pharaon, vient un fond très sombre, en hommage à Vélasquez. Ce choix permet de se focaliser sur les deux personnages, et leur destinée mythologique. Le fait que l’œuvre ne soit pas aboutie relève du côté historique de la pièce ; nous entrons dans la conception même d’une toile ; ce qui rend le tableau encore plus important de par son apport à la compréhension de l’œuvre de Manet.

Moïse sauvé des eaux est à l’image de la Nymphe surprise, conservé au Museo Nacio de Bellas Artes de Buenos Aires, une œuvre faisant le trait d’union entre les copies de  maîtres anciens des années 1850 et les toiles majeures qu’il réalisa à partir de 1862.

Dans ces deux toiles, Manet met en pratique ses enseignements, et s’y retrouvent la forme serpentine des modèles, typique de la Renaissance, ainsi que des inspirations mythologiques ou bibliques. Il est fort probable que la consultation du Cabinet des estampes de la Bibliothèque Nationale de France, qui vient de rouvrir au public, ait ouvert à Manet ce répertoire à exploiter. La Nymphe surprise est intrinsèquement liée à notre tableau, Antonin Proust affirme en effet que cette œuvre a été conçue à l’origine comme un grand tableau représentant Moïse sauvé des eaux, puis découpé par l’artiste pour ne conserver que la figure nue au premier plan, qu’il appela Nymphe surprise. Cette affirmation a été étayée par l’étude de l’esquisse, conservée à la Galerie nationale d’Oslo. On retrouve dans cette œuvre, la même technique stylistique, principalement au niveau du traitement de la main. Toujours dans cette composition, la servante qui se tient derrière la nymphe nous rappelle notre figure féminine.

À gauche : Edouard Manet, Femme et enfant, mine de plomb. (Musée d'Orsay), à droite : Edouard Manet, Moïse abandonné sur le Nil, c.1858-60

Deux croquis conservés respectivement au musée d’Orsay et au Musée Boijmans Van Beuningen (Rotterdam), nous permettent de confirmer l’intérêt de l’artiste pour ce sujet. C’est surtout le croquis second, intitulé Moïse abandonné sur le Nil, qui nous intrigue, puisque la figure féminine se rapproche de celle de notre composition. Cette fois, contrairement à la Nymphe surprise, Manet semble vouloir représenter la servante et non la fille de Pharaon. Stylistiquement, la coiffure et le vêtement sont semblables. Ce second croquis est à rapprocher d’une gravure de Pierre-Alexandre Aveline, d’après un tableau de Bonifazio de Pitati, conservé à la Pinacoteca di Brera à Milan. Il est très probable que l’artiste ait eu connaissance de ce tableau ou bien d’une copie réalisée par Fantin-Latour, qui était son ami et proche collaborateur.

Notre tableau reste l’œuvre la plus proche du sujet qu’il avait souhaité représenter rue Lavoisier, car en découpant La Nymphe surprise, Manet avait renoncé à représenter ce sujet. Si nous sommes certains que notre tableau est inachevé, nous nous demandons cependant s’il s’agit d’une œuvre indépendante ou bien d’un autre fragment de ce grand tableau ?

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Modern and Contemporary Art | Evening sale
Mercredi 23 novembre à 19h

Modern and Contemporary Art | Day sale
Jeudi 24 novembre à 15h

 

EXPOSITIONS

Samedi 19 novembre : 11h-18h
Dimanche 20 novembre : 14h-18h
Lundi 21 novembre : 10h-18h
Mardi 22 novembre : 10h-18h
Mercredi 23 novembre : 10h-15h

 

CONTACTS

Département Art Moderne

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Directeur | Département Art Impressionniste et Moderne
T. +33 1 53 30 30 48
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Spécialiste | Département Art Impressionniste et Moderne
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