Attribué à Giovanni-Agostino da LODI (1470-vers 1519)
Tête de saint Jean Baptiste
Panneau de peuplier, une planche, non parqueté, renforcé
De part et d'autre du pied de la coupe : MDX / XIII Kal JAN (soit 13 jours avant les calendes de janvier 1510)
Restaurations
Att. To G.-A. Da Lodi, Head of St John the Baptist, poplar panel, one board, non-parqueted, reinforced, restorations
26,60 x 20,30 CM - 10,5 x 8 IN.

    Notes:
  • À Milan, au début du XVIe siècle, la représentation du chef de saint Jean-Baptiste a été popularisée par la célèbre création d'Andrea Solario, élève de Léonard de Vinci à Milan, conservée au musée du Louvre et datée de 1507 (MI 735, ill.1). Ce tableau partit très vite en France chez son commanditaire le cardinal Georges d'Amboise, et seul le dessin (aussi au Louvre) ou le carton dut rester en Italie. Celui-ci ne comportait que le visage, car les peintres lombards n'ont pas gardé le modèle ou le souvenir de la coupe, ni son reflet avec le double autoportrait sur le pied, ce qui leur permit de s'en démarquer par des interprétations originales.1
    La composition de notre tableau inédit est identique à celle d'un panneau de la National Gallery de Londres (ill. 2, NG 1438), mais inversée, et de plus grand format (45,7 x 38,7 CM). Le musée anglais l’a longtemps attribué à Gian Francesco de Maineri (vers 1460 - après 1506), et le décrit aujourd'hui comme revenant à un artiste anonyme italien. Il comporte une date inscrite en lettres d'or autour du piédouche de la coupe : MDXI à gauche, et II. KL. FEB à droite, c'est-à-dire "1511, deux jours avant les calendes de février", soit le 31 janvier 1511. La date de notre œuvre est antérieure, renvoyant au mois de janvier de l'année précédente, preuve que le tableau de Londres dérive du nôtre.
    Le visage, d'une grande douceur, doit beaucoup au "sfumato" de Léonard de Vinci, dont notre peintre comprend la technique de superposition de fines couches de glacis, destinée à estomper les contours de ses figures en créant de subtils effets de fondu. Les traits du saint sont individualisés, faisant ainsi penser à un portrait d'après un modèle vivant. Pour ces raisons, nous proposons de rendre notre petit panneau à Giovanni-Agostino da Lodi qui personnalise fortement ses figures. Anciennement connu sous le nom de convention du pseudo-Boccaccino, celui-ci est formé dans le creuset culturel milanais des Sforza, où se croisent Bramantino, Léonard de Vinci et Boltraffio. Il est actif en Vénétie au début du XVIe siècle, où il intègre les nouveautés de Giovanni Bellini, Dürer, Giorgione et Jacopo de Barbari. En 1506, il revient à Milan et crée des peintures de petites dimensions, travaille pour la Chartreuse de Pavie et influence des peintres tels que Girolamo Romanino, Boccaccio Boccaccino et Altobello Melone. Sa seule œuvre signée, Le Maître et son élève, à la Pinacothèque de Brera à Milan, témoigne de sa synthèse entre culture lombarde, léonardisme et lumière vénitienne. Dans la plupart de ses créations, les chevelures présentent de très fines boucles claires parallèles, que l'on retrouve aussi dans notre peinture2, ou des arêtes de nez très nettes, fortement détachées du second plan, par exemple les apôtres dans l'Assomption de la Vierge à la Pinacothèque Ambrosienne de Milan (Inv. 17, ill. 3).
    Le motif du chef de saint Jean, particulièrement répandu dans les régions du Nord de l'Europe au XVe siècle à la fin du Moyen Âge, apparaît en Italie avec Gentile Bellini avant de connaître un vif succès en Lombardie au début du XVIe siècle, où l'on apprécie aussi les représentations de Salomé tenant la coupe avec sa malheureuse tête tranchée3. Le Baptiste, qui faisait l'objet d'une intense dévotion, est une figure centrale des Écritures : il symbolise le passage de l'ancienne à la nouvelle Loi. Dernier prophète, Il annonce la venue du Rédempteur et le baptise dans le Jourdain. Sur notre peinture, son visage s'apparente à un sommeil apaisé, sa souffrance dissipée pour laisser ici place à une quiétude sereine. Aucune violence ni emphase, mais un visage à la beauté la plus pure, dont l'abandon confiant manifeste "la transformation du martyr en figure idéale"4.
    Un dossier d’analyses scientifiques de ce panneau par la société ARCANES est à disponible sur demande.
    Ill. 1 - Andrea Solario, Tête de saint Jean-Baptiste, 1507, musée du Louvre, toile collée sur bois, 46 x 43 CM,
    Ill. 2 - École italienne, 1511, Tête de saint Jean-Baptiste, panneau, 45.7 × 38.7 cm, Londres, National Gallery, inv. NG1438
    Ill. 3 - Giovanni Agostino da Lodi, L'Assomption de la Vierge, Milan, Pinacothèque Ambrosienne (inv. 17), panneau, 195 x 100 CM.
    1 Par exemple, par Antonio Solario (Milan, Pinacothèque Ambrosienne, Inv.87), et Suiveur de Léonard (idem, Inv. 85).
    2 La plupart des suiveurs de Léonard de Vinci représentent des chevelures très bouclées, mais chacun module les mèches ondulées et les reflets de façon personnelle, sorte de détails "morelliens" caractéristiques.
    3 Andrea Solario (Metropolitan Museum de New York), Bernardino Luini (musée du Louvre), Giampetrino (National Gallery de Londres) ou Cesare da Sesto (Kunsthistorisches Museum de Vienne).
    4 Catalogue de l'exposition Visions capitales, Paris, musée du Louvre, Hall Napoléon, 27 avril - 27 juillet 1998, par Julia Kristeva, p. 78. Sur la décollation de saint Jean-Baptiste, voir également p. 81 : "Jean-Baptiste, préfigurateur par excellence, prête sa figure à la figuration de l'invisible par excellence : le passage. (...) Il y a un au-delà de la mort, dit l'expérience artistique, il existe une résurrection : ce n'est rien d'autre que la vie du trait, l'élégance du geste, la grâce ou la brutalité des couleurs, quand elles osent montrer le seuil de l'humain ".

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21 juin 2023 18:00 CEST
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