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Capturer la vie : Pierre Bonnard et la Place Clichy

Pierre Bonnard (1867 – 1947)

La Place Clichy, vers 1900

En vente le 29 novembre 2023

 

« Elles [ses premières œuvres] sont souvent peintes sur carton ou sur bois. Elles montrent déjà la facture d’une puissante personnalité. Le trait y est acéré, et Bonnard est, à cette époque, un peintre « espiègle ». Ses scènes de la rue portent la marque d’un humour empreint de joie de vivre : chevaux, chiens, vendeuses, marchandes des quatre-saisons, toute une jeunesse rieuse qui fourmille dans le quartier des Batignolles et jusqu’à la Place Clichy, tout est peint avec une gentillesse un peu moqueuse. Premières émotions artistiques d’un jeune peintre qui veut exprimer la gaieté de ce Paris 1900, animé, vivant, bon enfant. A l’opposé de Toulouse-Lautrec, tout, dans cette œuvre de jeunesse, est gentillesse, tendresse sans équivoque, et la vie y apparaît bonne à vivre. » 

J. et H. Dauberville, Bonnard, catalogue raisonné de l’Œuvre peint, 1888-1905
Vol. I, Editions Bernheim-Jeune, Paris : 1974, pp. 36-37

 

 

 

PIERRE BONNARD (1867-1947)
LA PLACE CLICHY, VERS 1900
Huile sur carton contrecollé sur panneau parqueté
Signée en bas à droite
Oil on cardboard laid on cradled panel; signed lower right
52,5 X 67 CM • 20 3/4 X 26 3/8 IN.

300  000/500 000 €

 

PROVENANCE
Vente, Paris, Palais Galliéra, 10 juin 1963, lot 12
Paul Pétridès, Paris

BIBLIOGRAPHIE
J. et H. Dauberville, Bonnard, catalogue raisonné de l’Œuvre peint, 1940-47
et Supplément 1887-1939, Vol. IV, Editons Bernheim-Jeune, Paris : 1974,
décrit et reproduit en noir et blanc sous le n°01809, p. 191

 

 

 

La Place Clichy témoigne du talent de Pierre Bonnard à capturer la vie urbaine de manière poétique en utilisant des couleurs vibrantes et une attention méticuleuse aux détails pour évoquer l’essence même de la vie parisienne à la Belle Époque. Peinte vers 1900, cette œuvre s’inscrit parmi les premières œuvres de Bonnard représentant une série de paysages urbains parisiens près de son appartement situé au pied de Montmartre, au 65 rue de Douai. La scène se déroule sur une place animée de Paris, la place Clichy, où le tumulte de la ville s’entremêle avec une atmosphère de sérénité. Contrairement à Camille Pissarro qui peignait depuis une fenêtre donnant sur la rue, Pierre Bonnard se positionne comme un participant actif à l’agitation de la vie parisienne. C’est ainsi qu’il choisit un nouveau point de vue : la rue. Grand marcheur du petit matin, Bonnard sillonne les rues de Paris, mais c’est probablement depuis la terrasse d’un café que le peintre a peint sur le motif. On connaît plusieurs tableaux de la célèbre place parisienne peints depuis la brasserie historique, Le Wepler, dont La Place Clichy (1912) conservé au Musée de Besançon.

Écrivant sur Bonnard lors de l’exposition de 1948 au Museum of Modern Art à New York, John Rewald parlera de l’artiste en ces termes « Bonnard a entrepris de saisir dans son œuvre ce qu’aucun autre peintre de son temps n’avait observé : les petits incidents de la vie parisienne. Il descendit dans les rues et sur les places, observant avec le même intérêt les gens, les chevaux, les chiens et les arbres. Les larges avenues, les marchands ambulants et les cafés sur les trottoirs lui offrent leurs motifs complexes, leur agitation bruyante. »1

Le thème principal de notre œuvre est le spectacle humain. Au premier plan, des passantes légèrement recroquevillées cherchant à se protéger du froid s’avancent avec une apparente lenteur vers le spectateur tandis que d’autres s’enfoncent dans le tumulte de la place ou encore vers les rues adjacentes. Les différents plans de l’espace sont indiqués par le rapprochement ou l’éloignement des passants dont on ne voit plus que des silhouettes colorées dans le fond. Le tableau révèle également la fascination de Bonnard pour la vie quotidienne et l’observation minutieuse de la ville. Il utilise des teintes délicates de jaune, d’orangé et de vert pour capturer la lumière naturelle, ce qui donne à la scène une qualité ensoleillée contrastant avec les tenues hivernales des passantes. Usant de touches subtiles pour représenter les détails architecturaux des immeubles, des façades de magasins mais aussi des panneaux publicitaires, il crée ainsi une véritable immersion dans l’atmosphère de la Place de Clichy de l’époque.

Cette scène urbaine date d’une période importante de la carrière de Bonnard marquée par une tension créative à l’intersection entre son intérêt croissant pour l’impressionnisme et ses réalisations Nabis. L’impressionnisme a influencé Bonnard dans sa représentation de la lumière et de la couleur, ce qui lui valut d’être considéré comme l’un des plus grands coloristes du XXe siècle aux côtés de son ami Henri Matisse. Comme les impressionnistes, il cherchait à capturer les effets de la lumière naturelle dans ses peintures. Si ses œuvres présentent des couleurs vives et des touches de pinceau rapides qui donnent une impression de spontanéité et de mouvement, caractéristiques du mouvement, Bonnard ne souhaitait pas rester dans l’ombre de ceux qu’il admirait. Sa démarche est plus poussée comme le maître le décrit lui-même « Quand mes amis et moi voulûmes poursuivre les recherches des impressionnistes et tenter de les développer, nous cherchâmes à les dépasser dans leurs impressions naturalistes de la couleur. L’art n’est pas la nature. Nous fûmes plus sévères pour la composition. Il y avait aussi beaucoup plus à tirer de la couleur comme moyen d’expression. »2 En outre, des Nabis, dont Bonnard était l’un des chefs de file, on retrouve la déformation des formes et surtout l’importance accordée à la couleur.

Bonnard a su développer son propre style qui combine les aspects de l’impressionnisme et du mouvement des Nabis dans des peintures à la fois lumineuses et colorées, tout en présentant des éléments abstraits et symboliques. L’évolution de son style au fil du temps, tout en conservant cette fusion artistique, fait de Pierre Bonnard l’un des artistes les plus importants de la période de transition entre le XIXe et le XXe siècle dont notre œuvre en est la parfaite illustration.

 

1 Pierre Bonnard, cat.exp. The Museum of Modern Art, New York, 1948, pp. 25-26
2 Nicholas Watkins. Bonnard (trad. de l’anglais), Phaidon Press, Londres : 1994, p. 61

 

 

 

« Nul ne note plus finement l’aspect de la rue, les silhouettes passantes, la tache colorée vue à travers la fine brume parisienne. »

Gustave Geoffroy, in Pierre Bonnard, Le Journal, 8 janvier 1896, p. 1

 

 


 

 

DÉCOUVRIR LA VENTE « ART IMPRESSIONNISTE & MODERNE » 

Mercredi 29 novembre 2023 à 18h
Tajan, 37 rue des Mathurins, 75008 Paris

 

CONTACTS
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