PIETRO LORENZETTI (documenté à Sienne de 1306 à 1345)
Sainte Hélène
Panneau de retable
Peinture à l’oeuf et fond d’or sur panneau de peuplier rectangulaire au fil vertical, entouré d’un cadre en bois doré moderne.
panneau seul : 69.8 x 37 x 3 CM - 27,5 x 14 x 1,2 in.

    Notes:
  • PROVENANCE
    Alfred Ramé (1826-1886), entre Paris et Rennes. Alfred Ramé, magistrat, médiéviste et archéologue, a possédé quelques œuvres de grande qualité muséale. Il cède au musée du Louvre en 1873 Le Gisant de Blanche de Champagne (morte en 1283), épouse de Jean Ier, duc de Bretagne (exposé aujourd’hui au Louvre Lens) et au musée des Beaux-Arts de Rennes la verrière de l’église paroissiale de Betton.
    Conservé par ses descendants jusqu’à ce jour.
    DESCRIPTION
    La sainte vue aux trois quarts, est placée sous une arcade en tiers-point que souligne sur le fond d’or une frise de motifs poinçonnés. Elle occupe la presque totalité de la surface du panneau rectangulaire, le visage et le regard dirigés vers la gauche en direction d’une Madone hypothétique. Elle arbore une légère guimpe transparente maintenant élégamment son visage. Un manteau couleur brun-rouge animé d’un galon doré couvre sa tête et enveloppe son bras gauche. En un geste de déférence, elle porte la main droite à sa poitrine. Au-dessus, les prophètes, vus à mi-corps, déroulent un phylactère porteur de leur nom. Tous les personnages sont ceints d’une auréole aux motifs poinçonnés très élaborés.
    ICONOGRAPHIE
    Comme son compagnon, cette sainte n’est accompagnée d’aucun attribut ni inscription. Nous suggérons d’y reconnaître sainte Hélène étant donné les liens qui la lient à saint Silvestre et à Constantin, son fils. Elle est généralement décrite sous les traits d’un personnage de haut rang, puisqu’impératrice, épouse de Constance Chlore, mais convertie et œuvrant pour la propagation de la foi chrétienne, elle fut canonisée, donc considérée comme sainte par les églises catholique et byzantine. Selon la légende, elle serait l’inventeur de la vraie croix du Christ1. À ce titre, elle figure vers 1380 dans la Découverte de la croix, l’une des scènes de la Légende de la vraie croix, peinte à fresque à Florence dans le chœur de l’église Santa Croce, par Agnolo Gaddi, fils de Taddeo Gaddi l’élève de Giotto. L’artiste la représente sous des traits très semblables à ceux de notre panneau, vêtue d’un même manteau de couleur brun-rouge, le visage ceint de l’élégante guimpe, elle s’en démarque cependant par le port d’un col de fourrure et d’une couronne (fig. 5). Dans la même église, sur les murs de la chapelle voisine appartenant à la famille Bardi di Vernio et ornée des fresques de la vie de Saint Silvestre peintes par Maso di Banco dans le second quart du XIVe siècle, sainte Hélène apparaît de nouveau dans la scène du Miracle du taureau (fig. 6).2 sous un aspect très proche de notre panneau.
    ÉTAT
    Comme le panneau précédant, celui-ci a conservé sa largeur d’origine, et présente la même découpe dans la partie supérieure, le privant des éléments qui devaient le surmonter. Dans l’épaisseur du panneau présence de mortaises ayant servi à l’assemblage des panneaux. L’arcade en tiers-point et les moulures des écoinçons sont d’origine.
    Le revers peint en noir, présente des galeries d’insectes xylophages, au bas du panneau on note également la trace de l’ancienne traverse de renfort de 7 CM de haut, placée à contre-fil qui assujettissait l’ensemble des panneaux.
    Surface picturale et fond d’or : usures du manteau et restaurations dans la main et l’auréole.
    Au-dessus de la sainte, sur les phylactères portés par les personnages des écoinçons, on lit le nom des prophètes Anne et Michée, en latin et en lettres gothiques peintes en noir, mal restaurées : La lettre P est une abréviation latine du mot Prophète. Au revers, une étiquette ancienne porte l’inscription "Rame" tracée à l’encre noire.
    1 "L’invention de la Sainte Croix" récit tiré de La Légende Dorée du XIIIe siècle, par Jacques de Voragine, ed. Garnier Flammarion, 1967, vol I, p. 341-350. La représentation de cette sainte est beaucoup plus populaire dans l’art religieux byzantin que dans l’art occidental. Elle apparaît cependant en 1246 dans la fresque de la Découverte de la croix, de l’église des Quatre Couronnés à Rome et, outre les fresques d’Agnolo Gaddi et de Maso citées, elle figure, dans le cycle de la Légende de la vraie croix, dans le chœur de l’église San Francesco d’Arezzo peint par Piero della Francesca vers 1482. Toutes ces fresques sont liées à la papauté et au franciscanisme (cf. Jane C. Long "Franciscan Chapel decoration, the St Silvester cycle of Maso di Banco at Santa Croce in Florence" in Studies in Iconography, vol.30, 2009, p. 75).
    Il ne serait pas étonnant que nos panneaux aient un rapport avec cet ordre. Malheureusement, les recherches documentaires sur la vie de Pietro Lorenzetti (cf. Volpe op. cit. p. 58-59) ne mentionnent aucun retable destiné à une fondation franciscaine.
    2 Ces fresques suivent également le récit de la vie de saint Silvestre rapporté par la Légende dorée, op. cit. p. 95 -105
    De quel ensemble proviennent ces deux panneaux ?
    Force est de constater qu’à notre connaissance, nos deux saints ne peuvent être rattachés à aucune œuvre de Pietro parvenue jusqu’à nous. L’iconographie nous incite à avancer une origine franciscaine et les éléments matériels relevés supra, qu’ils proviennent d’un retable du type de celui créé par Duccio (Sienne, Pinacoteca Nazionale n° 28) : on y trouve en effet un registre principal composé de cinq panneaux latéraux avec saints à mi-corps - mais il pourrait y en avoir sept - flaquant une madone centrale et sommé d’un registre de pinacles triangulaires. Cette proposition trouve également sa justification dans l’absence de trace de la traverse supérieure, que l’on trouve généralement au revers de ce genre de retable, à la base des pinacles et disparue dans nos panneaux lors de leur démembrement1 (fig. 7).
    Si la forme du retable demeure traditionnelle, l’utilisation de l’arcade en tiers-point marque une étape dans l’évolution du peintre vers la nouvelle esthétique gothique adoptée à Sienne en 1320-21 par Simone Martini dans les retables destinés à Orvieto. Pietro Lorenzetti reprendra cette forme dans les saints Pierre et Jean-Baptiste du Vatican surmontés à l’origine par un couple de saints2 et, de manière plus grandiose, dans le retable du Carmine. De même, par l’évocation raffinée des parures vestimentaires ainsi que l’abandon du dessin gravé à main levée des nimbes, en faveur de l’utilisation des poinçons extrêmement élaborés3, le peintre manifeste un goût prononcé pour l’esthétique gothique.
    Style et Datation
    L’appartenance de nos deux panneaux à la production artistique de Pietro Lorenzetti est indéniable. Le type du saint, vieillard au regard soucieux et inquiet marqué par les lignes encore stéréotypées du front et par le dessin des yeux profondément fendus, ne souffre pas d’hésitation. En revanche, il est moins aisé de définir avec certitude leur position chronologique au sein du catalogue des œuvres du maître.
    La filiation du Saint Silvestre est patente avec les vieillards chenus et sévères peints par Pietro dans les fresques de la basilique inférieure d’Assise peu avant 1320, que ce soit ceux de certains médaillons (fig. 8) ponctuant les bordures encadrant les diverses scènes de la Passion4, ou ceux que le Christ rencontre dans la Descente aux Limbes vers 1326.
    En effet, le caractère soucieux de saint Silvestre, bien qu’atténué, n’est pas sans rappeler celui des saints qui côtoient la vierge dans le retable d’Arezzo. Vus de face, leur emprise volumétrique occupe tout l’espace, les calant puissamment au sein des panneaux. Toutefois, saint Sylvestre, par sa position de trois-quarts et sa corpulence plus étroite, consolidée par la position des bras sous le manteau, jouit d’une respiration spatiale plus large. Sainte Hélène, qui demeure plus imposante que son compagnon, le bras en avant enveloppé dans la draperie, et qui se tient en léger retrait, creuse ainsi l’espace. Un modelé délicat, léger passage entre ombre et lumière, plus estompé chez la sainte, décrit les visages. Le dynamisme, la force volumétrique, la tension dramatique d’Assise ou d’Arezzo, héritage de Cimabue et de Giotto, sont ici pondérés, l’intensité dramatique ayant perdu de sa force au profit d’une solennité et d’une intériorité plus importantes.
    Tous ces caractères animent également les personnages des fresques de la salle capitulaire de l’église San Francesco de Sienne que la critique situe pour certains vers 1336 mais que d’autres, dont Volpe, placent aux alentours des années 1325-13265. Dans cette salle, Pietro réalisa La Crucifixion (fig. 9) et la Résurrection alors que son frère Ambrogio exécuta le Martyr des saints franciscains à Ceuta et la Profession publique de Saint Louis de Toulouse. Devant les scènes de Pietro, on est d’emblée frappé par la ressemblance entre les visages de sainte Hélène et du Christ ressuscité fig. 10). C’est la même intensité du regard aux yeux en amande, le même dessin des traits soulignant le nez et la bouche.
    De plus, dans la Crucifixion, le rapprochement de nos deux saints avec le groupe des assistants au pied de la croix, certes de corpulence plus forte, semble fondé. Que ce soit par la tension maîtrisée de la douleur ou encore par le geste du centurion qui, comme notre sainte, porte la main à sa poitrine en signe d’acceptation. Cette attitude, Pietro Lorenzetti la réitère dans une sainte (fig. 11) fragment de médaillon provenant du cadre ornemental de ces scènes, conservé à Londres (National Gallery) 6. Ces rapports nous incitent à proposer la réalisation de nos deux panneaux à la même époque que ces fresques, vers 1325-1326, après la réalisation du retable d’Arezzo et avant celle du Carmine. On devine une modification plus subtile du style de Pietro vers plus d’apaisement et un abandon progressif de l’agitation qui sera plus net dans ses œuvres plus tardives.
    Un point d’interrogation particulier subsiste toutefois : celui de l’utilisation par Pietro de la "chrisographie" soulignant les plis de la robe du saint Silvestre. Cette pratique, réservée à la description vestimentaire du Christ et de la Vierge, commune dans la peinture byzantine fut transmise aux artistes italiens du XIIIe et du début du XIVe siècle : Cimabue à Florence et Duccio à Sienne l’ont adoptée. Si, assez tôt, elle est devenue obsolète pour Duccio, Simone Martini et la cohorte de ses suiveurs, elle reste encore d’actualité à Gênes à la fin du XIVe siècle où Barnaba da Modena couvre le manteau de ses vierges de ce réseau graphique doré, satisfaisant vraisemblablement le goût de commanditaires férus d’art vénitien ?
    Il n’est pas exclu que Pietro Lorenzetti ait de même répondu à une telle demande venant de commanditaires religieux fortement dominés par la tradition byzantine – ce qui reste toutefois à prouver en l’absence de documents de commande, qui d’ailleurs stipulaient le plus souvent l’emploi des meilleures couleurs et de l’or le plus fin pour la réalisation des œuvres religieuses- Il dut, semble-t-il, répondre ici à une telle directive, car au lieu d’exécuter cette technique en utilisant l’or à la coquille rehaussant le tissu coloré, il employa la feuille d’or sous jacente recouverte de peinture et dégagée ensuite par sgrafitto.
    Ainsi Pietro met clairement en valeur le contraste entre l’or et le jeu coloré des draperies mais répond également à un réel goût esthétique personnel, car il a utilisé cette "chrisographie" tout au long de sa carrière. Au début dans les fresques d’Assise, en soulignant les décolletés et les parements des manches des saints personnages, et jusqu’à la fin de sa vie, vers 1340-1345, dans les vêtements de la Madone et du Saint Jacques du retable Loeser, dans l’Annonciation des fresques de Castiglione del Bosco et dans le Sauveur bénissant (Hull, Ferens Art Gallery) 7.
    1 On ne peut pas exclure le fait que, à l’instar du retable d’Arezzo, le retable ait comporté trois registres superposés. Rappelons qu’au revers d’un retable, le maintien des panneaux était généralement renforcé par la présence de deux traverses, longs morceaux de bois d’un seul tenant, cloués et placés à contre-fil aux parties inférieures et supérieures des panneaux.
    2 Volpe, op. cit. n.A17, A18, p. 206, complété par n. A.31, A.32 p. 21
    3 Disposition qui intervint dans tous les retables après 1320. Cf. E. Skaug, Punch marks from Giotto to Fra Angelico, Vol. II, Oslo 1994 : Pietro Lorenzetti tableau 7.5, Pour la sainte, les poinçons utilisés sont une feuille 688 associée à une hexarosette 617. Pour le saint la feuille 669 alterne avec une très petite hexarosette. L’arcade trilobée 87 souligne les bords des panneaux.
    4 cf. Volpe, op. cit. n.11 et fig. p. 82 ; n. 43, fig. p. 98 ; n.65, fig. p. 103
    5 Voir les diverses opinions exprimées par la critique in Becchis, op. cit. supra n.1, p. 808. Les fresques qui ornaient cette salle, découvertes au XIXe siècle sous des badigeons de plâtre, ont été déposées et transposées dans des chapelles de l’église. Cf. "Il ciclo di affreschi della sala capitolare di San Francesco a Siena" in Ambrogio Lorenzetti, catalogue d’exposition, Sienne 22.10.2017-21.07.2018, p. 132-150.
    6 Cf. idem, Ambrogio Lorenzetti, op. cit. 2018, cat. 7c p. 135 donnée à Pietro et son atelier et M. Davies, D. Gordon, The Early Italian Schools before 1400, Londres 1988, n.3071,3072, p. 63-65 (attribué à l’atelier de Pietro) alors que Volpe, op. cit. et M. Becchis, Pietro Lorenzetti, Milan 2012, p. 102-105 les rendent à Pietro.
    7 Provenant de la Vente Christie’s, Londres, 3 juillet 2012. À propos de cette technique, cf. Volpe op. cit. p. 188, n° 165, qui suggère un lien de Pietro avec les miniaturistes.

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