FRANCESCO SOLIMENA (Canale di Serino, 1657-Naples, 1747)
Le triomphe de la Foi sur l’Hérésie par l’intercession des dominicains
Toile
The triumph of Faith over Heresy through the intercession of Dominicans, canvas
229,50 x 93 cm - 90,4 x 36,6 in.

    Notes:
  • PROVENANCE
    Hôtel particulier en Bourgogne

    BIBLIOGRAPHIE

    Nicola Spinosa, Francesco Solimena (1657-1747) e le Arti a Napoli, Ugo Bozzi editore, Rome, 2018, p.385, cat. 158.2, repr. p. 386

    Notre toile est le modello de mise en place de la grande fresque du plafond de la sacristie de San Domenico Maggiore, réalisée entre 1705 et 1707 et qui mesure 14 mètres de long sur 5 mètres de largeur (Fig. 1 et 2). Celle-ci est insérée dans des bordures de stuc doré. Cette esquisse a dû être validée par les pères dominicains avant le début des travaux dans leur église. Les premiers paiements à l'artiste sont documentés en 1704 et 1705, puis le solde en 1706, et il reçoit un supplément en 1709.

    En ce début de siècle et juste avant la mort de Luca Giordano, lequel a longtemps séjourné hors de Naples, Solimena révolutionne la peinture napolitaine avec cette composition, et la fait entrer dans le XVIIIe siècle. Il fait la synthèse entre Giordano, Preti et Pierre de Cortone, regarde l'évolution récente de la peinture romaine (Carlo Maratta) et bascule du Baroque au courant Rococo par les anges virevoltant gracieusement, les raccourcis saisissants, le mouvement ascensionnel au milieu des nuées et le tourbillon de l'ensemble. Cette synthèse de la tradition napolitaine dans une conception moderne de l'espace ouvert, non compartimenté, influencera non seulement les peintres des générations suivantes, (Nicola Maria Rossi, Paolo de Matteis, Francesco de Mura …), mais également l'architecture et la sculpture.

    Solimena peint le plus souvent sur une "imprimatura", une sous-couche brune (qu'on voit très bien à droite), d'où les personnages se détachent par des lumières et couleurs chaudes. Ils sortent de la pénombre par les draperies aux couleurs vives. Le mouvement circulaire de la composition est servi par un pinceau léger, qui rend particulièrement crédible la densité des nuées célestes ou la douceur des ailes de l'ange de gauche. La Trinité est vue dans un raccourci saisissant, au milieu des nuées. On note plusieurs variantes secondaires entre notre esquisse et la fresque :
    - l'élément d'architecture de pierre et de brique est simplifié et moins défini,
    - la disposition de la main du personnage, à l'extrême gauche, est plus nette et plus levée que dans la version finale,
    - plusieurs putti ont des visages et des expressions légèrement différentes,
    - la draperie du saint Michel est gris-rose ici et bleue dans la fresque.

    Il n'a été retrouvé aucun des dessins préparatoires (1), qui ont dû exister, mais nous connaissons deux études de détails autographes avec importantes variantes (Quimper, musée des Beaux-Arts, voir catalogue de l'exposition De Véronèse à Casanova Parcours italien dans les collections de Bretagne, Quimper, Musée des Beaux-Arts, Rennes, Musée des Beaux-Arts, 2013/2014, p.188-189).

    Des copies d'ensemble de la fresque sont conservées au Rijksmuseum d'Amsterdam et au Musée Carolino Augustano à Vienne.

    Cette esquisse, d'un format exceptionnel, nous est parvenue dans un excellent état de conservation.

    Nous remercions le professeur Nicola Spinosa d'avoir examiné de visu l'œuvre, d'avoir confirmé son attribution et pour les informations qu'il nous a données, qui ont servi à la rédaction de cette notice.
    Une lettre du professeur Nicola Spinosa sera remise à l'acquéreur.


    (1). Le dessin autrefois mis en rapport, et conservé à Windsor Castle, est aujourd'hui considéré comme une copie avec variantes par Onofrio Avellino (Nicola Spinosa, op. cit., vol. 2, p.87-88).

    Carmen Bambach Cappel, Francesco Solimena, 1657-1747 in: Colton, Judith, and George L. Hersey, catalogue de l'exposition A Taste for Angels: Neapolitan Painting in North America, 1650-1750, New Haven: Yale University Art Gallery, 1987, p. 174 -177 : "La commande de ce qui s'est avéré être une des fresques qui a eu le plus d'influence de Solimena, le Triomphe de l'ordre dominicain dans la sacristie de San Domenico Maggiore, a eu lieu en 1709. Dès sa création, la fresque fut considérée comme un exploit majeur, une réponse napolitaine aux plafonds illusionnistes d'Andrea Pozzo à Rome : "Et l'ensemble de la composition est judicieusement divisé, de sorte que, trompant gentiment l'œil, la longueur disproportionnée ne se remarque pas" (Bernardo De Dominici, Vite de' pittori, scultori ed architetti napoletani, 1742-45, vol. 3, 590)."

    L'artiste
    Francesco Solimena est le peintre majeur du XVIIIe siècle napolitain et l'un des artistes les plus importants de l'art baroque italien. Il a abordé tous les genres au cours de sa carrière : décors prestigieux monumentaux, retables d'autel, tableaux de chevalets : scènes mythologiques et historiques, portraits, natures mortes ... Tous les domaines visuels napolitains ont été influencés par Solimena, qui était aussi poète, sculpteur, précurseur de l'art de la crèche, architecte.

    Il est formé par son père, Angelo Solimena, peintre naturaliste, et collabore avec lui pour des fresques dans sa jeunesse. La rencontre avec Luca Giordano et Mattia Preti lui donne l'impulsion décisive, l'amenant à faire la synthèse entre la vision spatiale ouverte de la grande décoration baroque romaine (Cortone, Gaulli, Pozzo) et de l'héritage pictural napolitain, qui puise son goût du réalisme chez Ribera. C'est un artiste de stature internationale : depuis Naples, il reçoit des commandes des principales capitales européennes, pour des cours allemandes et autrichienne (Schloss Harrach, pour la Bavière, pour Mayence), pour Louis XIV, pour l'Espagne (commande de Philippe V en 1706, en 1735), pour Vienne (commandes de Charles VI et Prague, ou en Italie, pour Gênes pour le palais royal de Turin).
    Il a toujours su insuffler originalité et caractère aux œuvres qui lui ont été commandées, par des scènes chorégraphiques et les constructions architecturales très élaborées qui lui permettent de structurer d'immenses formats.

    Son influence s'étend bien au-delà de l'Italie, mais aussi en Allemagne et en Autriche. Des peintres de la seconde moitié du XVIIIe siècle, donc plusieurs décennies après sa mort, l'ont étudié et copié pour renouveler le rococo, face au néoclassicisme naissant : citons, parmi eux, Fragonard ou Goya.

    La Basilique de San Domenico Maggiore à Naples
    Eglise-mère des dominicains dans le royaume de Naples et église de la noblesse aragonaise, la vaste basilique à trois nefs, construite en style gothique au tournant du XIVe siècle, et son couvent adjacent constituent l'un des complexes religieux les plus importants de la ville, situé au cœur du centre urbain. C'est aussi un véritable musée, témoin de la création artistique, sur plusieurs siècles. L'église a abrité des œuvres d'art célèbres, telles que la Madone aux poissons de Raphaël, aujourd'hui au musée du Prado à Madrid, La Flagellation du Christ par Caravage et L'Annonciation du Titien maintenant à la Galerie nationale de Capodimonte. Elle garde des œuvres de nombreux artistes actifs dans la cité, de Pietro Cavallini jusqu'à Mattia Pretti, Luca Giordano, et du XVIIIe siècle. Elle conserve plusieurs peintures de Solimena, commandées parfois jusqu'à vingt ans plus tard après notre esquisse.

    Chronologie des grands plafonds baroques en Italie et en France :
    1620, Pierre-Paul Rubens, Plafond de l'église des Jésuites d'Anvers
    1633 à 1639, Pierre de Cortone (Pietro da Cortona, Le Triomphe de la Divine Providence plafond du palais Barberini, à Rome)
    1672-1683, Giovan Battista Gaulli dit il Baciccio, Le Triomphe du nom de Jésus, plafond de l'église du Gesù de Rome.
    1678 -1684, Charles Le Brun, plafond de la Galerie des Glaces, Château de Versailles
    1682-1685, Luca Giordano, Apothéose de la dynastie Médicis, Florence, Palais Medicis Riccardi
    1692-1702, Luca Giordano, fresques pour le monastère de l'Escurial, les palais royaux du Buen Retiro à Madrid , "Apothéose de la monarchie espagnole", d'Aranjuez et Tolède.
    1691-1694, Andrea Pozzo Le Triomphe de saint Ignace et la mission des jésuites, fresque du plafond, église Saint-Ignace de Loyola, Rome
    1688-1690 Francesco Solimena, Fresques de la sacristie de san Paolo Maggiore, Naples
    1710-1722, Francesco Solimena : Massacre des Giustiniani à Scio, pour le sénat de Gênes, détruit, esquisses à Capodimonte à Naples
    1704-1707, Notre tableau de Solimena
    1714-1717, Francesco Solimena : Eliodore chassée du Temple, Naples, Gesù Novo
    1715-1716 Francesco Solimena, Les différents moyens d'accéder à la Gloire, Paris, Musée Baccarat (provenant du palais Sannicandro à Naples)
    1708-1710, La Fosse, Antoine Coypel, Jouvenet, plafond de la chapelle du château de Versailles.
    1720, Giovanni Antonio Pellegrini : plafond de la Banque Royale à Paris (détruit)
    1733 et 1736, François Lemoyne, L'Apothéose d'Hercule, Château de Versailles

    Francesco SOLIMENA (Canale di Serino, 1657-Naples, 1747)
    The Triumph of Faith and the Glory of the Dominicans
    Canvas
    90,4 x 36,6 in.

    PROVENANCE
    Private collection Burgundy, France

    BIBLIOGRAPHY
    Nicola Spinosa, Francesco Solimena (1657-1747) e le Arti a Napoli, Ugo Bozzi editore, Rome, 2018, p.385, cat. 158.2, Ill. p. 386

    Our canvas is the modello for the large fresco on the ceiling of the sacristy of San Domenico Maggiore, painted between 1705 and 1707 and measuring 14 metres long and 5 metres wide (Figs. 1 and 2) set within gilded stucco borders.

    The modello was painted for validation by the Dominicans, before the work in their church could begin. Documents show that the first payments to the artist were made in 1704 and 1705, the balance was paid in 1706, and an additional bonus was even given to the artist in 1709.

    It is in this beginning of the century just before the death of Luca Giordano, already long absent from the artistic scene of Naples, that Solimena revolutionised Neapolitan painting with this composition and brought it into the 18th century. He synthesizes Giordano, Preti and Pietro di Cortona, looks at the recent evolution of Roman painting (Carlo Maratta) and shifts from the Baroque to the Rococo with the gracefully turning angels, the striking foreshortening, the upward movement in the midst of the clouds and the entire composition's swirling motion. This taking of the Neapolitan tradition and placing it in a modern conception of open, non-compartmentalized space not only influenced the paintings of later generations (Nicola Maria Rossi, Paolo de Matteis, Francesco de Mura...), but also architecture and sculpture.

    Solimena typically paints on an "imprimatura", a brown ground (which can be seen on the right), from which the figures stand out by way of the light and the warm colours. They emerge from the half-light through the brightly coloured drapery. The circular movement of the composition is rendered using delicate brushwork, which makes the density of the celestial clouds or the softness of the wings of the angel on the left particularly tangible. The Trinity is viewed with a striking foreshortening, in the middle of the clouds. There are several secondary variations between our modello and the fresco:
    - the architectural elements in stone and brick are simplified and less defined
    - the placement of the figure's hand on the far left is sharper and higher than in the final version,
    - several putti have slightly different faces and expressions,
    - the drapery of Saint Michael is grey-pink here and blue in the fresco.

    None of the preparatory drawings, which must have existed, have been found, but we know of two autograph studies of details with important variants (Quimper, Musée des Beaux-Arts, see catalogue of the exhibition De Véronèse à Casanov; a Parcours italien dans les collections de Bretagne, Quimper, Musée des Beaux-Arts, Rennes, Musée des Beaux-Arts, 2013/2014, pp.188-189).

    Complete copies of the fresco can be found in the collections of the Rijksmuseum in Amsterdam and the Carolino Augustano Museum in Vienna.

    This modello, of exceptional size, has come to us in mint condition.

    We are grateful to Professor Nicola Spinosa for having examined the work in person and for confirming its attribution. We would also like to thank him for the information he has given us, which has been used in the writing of this note.

    A letter from Professor Nicola Spinosa will be given to the buyer.

    Carmen Bambach Cappel,Francesco Solimena, 1657-1747 in:Colton, Judith, and George L. Hersey, catalogue de l'exposition A Taste for Angels?: Neapolitan Painting in North America, 1650-1750, New Haven: Yale University Art Gallery, 1987,p. 174-177. The commission for what turned out to be Solimena's influential fresco, the Triumph of the Dominican Order in the sacristy of San Domenico Maggiore, came in 1709 . From the first of the fresco was regarded as a major feat, a Neapolitan response to Andrea Pozzo's illusionistic ceilings in Rome: "And the whole of the composition is judiciously divided, so that, sweetly deceiving the eye, the disproportionate length is not noticeable"(Bernardo De Dominici, Vite de' pittori, scultori ed architetti napoletani,1742-45, vol. 3, 590).

    The Artist
    Francesco Solimena was the most important painter of 18th century Naples and one of the most important artists of the Italian Baroque. During his career he tackled all genres: prestigious monumental decor, altarpieces, easel paintings: mythological and historical scenes, portraits, still lifes... All fields of Neapolitan visual art were influenced by Solimena, who was also a poet, sculptor, precursor of the art of the nativity scene, and architect.

    He was trained by his father, Angelo Solimena, himself a naturalist painter, and collaborated with him on frescoes in his youth. His meeting Luca Giordano and Mattia Preti was decisive and gave him the impetus to combine the open spatial vision of the greatest of Roman Baroque painting (Cortona, Gaulli, Pozzo) and the Neapolitan pictorial heritage, with its taste for realism taken from Ribera. Solimena was an artist of international stature and it was from Naples that he obtained commissions from the main European capitals: for the German and Austrian courts (Schloss Harrach, for Bavaria, for Mainz), for Louis XIV, for Spain (commissioned by Philip V in 1706, in 1735), for Vienna (commissioned by Charles VI and Prague), or in Italy, for Genoa's royal palace in Turin.

    Its influence extends well beyond Italy, but also in Germany and Austria. Painters of the second half of the 18th century, therefore several decades after his death, studied and copied to renew rococo, in the face of neoclassicism nascent: let us mention, among them, Fragonard or Goya

    He knew how to infuse originality and character into these commissioned works, through choreographed scenes and very elaborate architectural constructions that allowed him to structure very large formats.

    The Basilica of San Domenico Maggiore in Naples
    The main church of the Dominican Order in the Kingdom of Naples and church of the Aragonese nobility, the vast three-aisled basilica, was built in the Gothic style at the turn of the 14th century. With its adjacent convent it constitutes one of the most important religious complexes of the city, located in the heart of the urban centre. It is also a great museum of Neapolitan artistic creation across several centuries. The church has housed such famous works of art as Raphael's Madonna of the Fish, today in the Prado Museum in Madrid, Caravaggio's Flagellation of Christ and Titian's The Annunciation, both today in the National Gallery of Capodimonte. It also houses several paintings by Solimena, some which were commissioned up to twenty years after our sketch.

    ICONOGRAPHIE
    L'iconographie du plafond de la sacristie de San Domenico Maggiore, lieu au service de la liturgie eucharistique et à l'usage des frères prêcheurs dominicains, trouve ses sources dans les recommandations de la Contre-Réforme. L'espace est schématiquement divisé en trois registres, unis entre eux par un mouvement ascensionnel tourbillonnant : au niveau inférieur, la chute des damnés détail inspiré des "Jugement Dernier", au centre des allégories et des saints dominicains, au registre supérieur, la Trinité et la Croix ; la Vierge liant ces deux derniers groupes.

    Perpétuant l'œuvre de saint Dominique de Guzman (vers 1171-1221) qui a combattu sans relâche l'hérésie cathare par la prédication, ces frères prêcheurs œuvrent pour ramener au sein de l'Église les âmes égarées. C'est à eux que s'adresse cette allégorie qui couronne un espace inondé de lumière où dominent le blanc et les ors des moulures. Dans un tourbillon de nuées, celui qui entre dans la pièce est élevé vers la colombe de l'Esprit-Saint (1), rayonnante dans la gloire de Dieu.

    Tout un chemin y mène depuis les corps dénudés et tourmentés (15) de ceux qui sont aux prises avec l'hérésie qui prend ici la forme d'un monstre à plusieurs têtes. Ils s'appuient sur deux livres 16) posés sur une pierre d'angle, mais ceux-ci sont fermés. Nous sommes tentés d'y voir l'Évangile de saint Matthieu et les Épîtres de Saint-Paul sur lesquels se base l'enseignement des cathares, dans une version qui leur est propre. Pour leur répondre au cours de ses prédications, saint Dominique emportait ces deux livres, dans le repli de sa tunique disent les mémorialistes. Dans la version définitive du plafond, un feuillet manuscrit a été ajouté à droite, sous le chien. Saint Dominique, dit-on, avait pour habitude de noter les versets du Nouveau Testament qu'il avait choisis pour répondre aux hérétiques dans des débats publics. Au sortir d'une controverse, il remettait ces écrits à ses détracteurs. Il advint que ceux-ci les ayant jetés au feu virent que, miraculeusement, ils ne se consumaient pas.

    À droite, discrètement, un chien (17) veille. Il est semblable à celui que vit la mère de Dominique en songe alors qu'elle était enceinte. Noir et blanc, il sortait de son ventre portant dans sa gueule une torche enflammée qui paraissait embraser le monde. Ce présage signifiait qu'elle mettrait au monde un prédicateur qui réveillerait les âmes endormies par les aboiements de sa connaissance et qui répandrait le feu salvateur du Christ.

    À l'extrême gauche de ce groupe, quelques personnes tentent d'échapper à l'archange saint Michel (14), le bras armé de Dieu. Reconnaissable à sa chevelure claire et bouclée, à sa paire d'ailes largement déployées, et à la présence d'un "dragon", il adopte une posture traditionnelle dans ses représentations : bras droit levé, arme brandie et jambe gauche tendue, d'ordinaire posée sur un dragon, symbole du mal et des païens qu'il s'apprête à frapper. Des archanges, il est le seul à montrer la matérialité de son "corps", sans aller d'ordinaire jusqu'à la nudité réservée à la Vérité. Sa musculature traduit sa force physique, ne laissant aucun doute sur l'issue du combat ; son visage déterminé exprime sa force morale. Son manteau de soldat est devenu ici un drapé souple et tournoyant, son épée a été remplacée par la foudre, symbole de toute puissance empruntée à Zeus.
    La partie centrale de la composition est rythmée par des figures de dominicains. Pour bien se différencier des cathares vêtus de noir, cet ordre de prêcheurs tonsurés a choisi une robe blanche visible de loin et une chape noire.

    C'est un livre ouvert que tient Saint Thomas d'Aquin (vers 1225-1274) (6), né près de Naples, grand théologien déclaré "docteur de l'Église" en 1567. S'il se tient légèrement en retrait derrière la Vierge (4) c'est bien lui qui fait le lien entre la Trinité et le fidèle. Passant successivement par la main de la Vierge, celles des angelots, puis celles du Christ (3) et de Dieu le Père (2), son regard nous mène vers la colombe de l'Esprit-Saint tandis qu'il désigne le fidèle de la main. Ce n'est pas un Christ souffrant qui est représenté, mais un Christ triomphant qui regarde et attend le fidèle. La lumière de l'Esprit éclaire vivement les robes blanches comme elle le fit à la Pentecôte 1206, lorsque les premiers frères réunis autour de Dominique adoptèrent la règle de Saint-Augustin. Nous pouvons rappeler ici que Thomas d'Aquin fut le premier à souligner l'intérêt des images mises au service du culte, en prônant un usage autre que l'idolâtrie d'un simple objet.

    Des angelots tiennent une branche de Lys, image de la chasteté, discrètement placée derrière saint Dominique (vers 1171-1221) (9). On dit, en effet, que celui-ci regretta d'avoir confessé sa chasteté à ses frères, alors qu'il sentait sa mort proche, considérant qu'il avait ainsi manqué d'humilité. Incliné, il reçoit une des étoiles qui couronnent la tête de Marie. C'est là la reprise d'un épisode relaté par Jacques de Voragine qui raconte qu'après son baptême une dame qui l'avait levé des fonts baptismaux "crut voir sur le front du petit Dominique une étoile très brillante qui éclairait toute la terre". Le lien que l'image établit ici avec la Vierge (4) rappelle son attachement au culte marial que refusent les infidèles. Le saint, agenouillé sur le monde, répond à une mission universelle, envoyant des frères à Bologne, en Espagne ou à Paris. Il fonde de son vivant plusieurs couvents que les premiers chapitres généraux de 1220 et 1221 organisent déjà en provinces, posant les bases d'une expansion future jusqu'au Nouveau monde.

    Saint Pierre de Vérone dit saint Pierre Martyr (1205-1252) (5) est reconnaissable à son attribut, la lame qui lui fend le crâne. Issu d'une famille cathare, converti à la foi catholique, ce dominicain qui aurait reçu l'habit des mains de saint Dominique lui-même est appelé pour tenter de réconcilier les partisans de l'empereur et ceux du pape. Nommé inquisiteur, attaqué par des cathares sur la route de Côme à Milan, il aurait écrit les premiers mots du credo avec son sang. Repenti, l'un des meurtriers, entra chez les dominicains.

    Sainte Catherine de Sienne (1347-1380) (8) porte une couronne d'épines afin de ressentir dans sa chair les souffrances du Christ. Elle a six ans quand elle vit sa première expérience mystique et seize quand elle reçoit l'habit de l'Ordre de la pénitence de saint Dominique. Elle est représentée ici avec l'habit dominicain. Autour d'elle, se forme une communauté et elle fonde en 1377 le monastère de Sainte-Marie-des-Anges. La papauté lui demande conseil et lui confie des missions diplomatiques au moment où elle affronte le schisme des antipapes d'Avignon.

    À ses côtés, une religieuse tient un bouquet de roses, c'est sainte Rose de Lima (1586-1617) (7) dont le visage se serait transformé en rose aux trois messes célébrées en l'honneur de l'Esprit Saint le jour de son baptême. À l'image de Catherine, elle veut partager les souffrances du Christ en portant une couronne d'épines et connaît des expériences mystiques. En 1606, elle reçoit l'habit des tertiaires de l'Ordre de saint Dominique.

    Deux figures allégoriques ferment le cercle de cette réunion de grandes figures dominicaines : la Foi catholique et l'Église.

    La Foi Catholique (12), drapée de jaune, tient un calice rayonnant de la main droite conformément à l'image de la Religion dans l'Iconologia de Cesare Ripa (1611). Elle est assise à côté de L'Église (10), vêtue de bleu qui reprend, elle, l'image de la Sapience divine (Iconologia, CXLIX, 1643) que Ripa commente ainsi : "C'est vne Dame que sa modestie merveilleuse & ses regards rendent venerable. Elle est vestuë de blanc, & se tient debout sur une pierre carrée. Elle a pour armes un Corcelet, & un Heaume… ; Vn Escu rond en sa main droite, avecque la figure du Sainct Esprit au milieu ; Et en la gauche le Liure de la Sapience, … avecque l'Agneau Paschal au dessus …

    La colombe qui se voit peinte sur son Escu (bouclier), est le Sainct Esprit, qui comme dit Iob, nous apprend la Sapience : Or par cét Escu de forme ronde, s'entend l'Vnivers, où ceux qui sont esleuez aux dignitez les plus hautes doiuent s'estudier à vne sage conduite… Le Sainct Esprit est donc mis icy fort à propos dans vne figure ronde, d'autant que par luy la Sapience Diuine douuerne l'Vnivers, & qu'il inspire vne vraye lumiere, & de salutaires instructions à ceux qui en ont la conduite.

    Le Livre fermé … signifie, Que les iugemens de la Sapience Diuine sont cachez aux hommes ; Et qu'à cause qu'elle est enueloppée de plusieurs nuages, l'acquisition en est extremement difficile. Voila pourquoy le plus sage de tous les hommes la compare à vn thresor qu'on a caché dans la terre. Or ce qu'elle est ainsi scellée, n'est pas afin que les hommes en soient priuez, mais pour les induire à se l'acquerir par leur industrie, sans que toutefois ils en deuiennent ny plus altiers, ny plus amoureux d'eux mesmes. D'ailleurs l'obscurité de la parole divine se peut dire vtile, en ce qu'elle fait esclatter dauantage la Verité, mesme parmy les broüillards."

    À leur gauche, en-dessous de saint Dominique, dans l'obscurité, figurent deux vertus prônées et pratiquées par lui, représentées comme le préconise Ripa : La patience (11), "invincible vertu que l'on tesmoigne à supporter les douleurs du corps, & les travaux de l'esprit", porte son joug tandis qu'à ses côtés La Pénitence (13) "une femme … fort mal vestuë" tient vne discipline les yeux fixés au Ciel. Cette "douleur des pechez commis, explique Ripa, … contient en soy trois parties principales, qui sont la Contrition, la Confession, & la Satisfaction. La première est denotée par son visage blesme & melancolique. La seconde, par ses yeux esleuez au Ciel, pour vn tesmoignage du pardon qu'elle demande à Dieu … Pour ce qui est de la discipline… , cela signifie que la Penitence pour estre salutaire, se doit assaisonner auec …la Contrition."

    ICONOGRAPHY
    The iconography of the painted ceiling of the sacristy of San Domenico Maggiore, a place at the service of the Eucharistic liturgy and for use by the Dominican friars preachers, finds its sources in the doctrine of the Counter-Reformation. The space is schematically divided into three levels, linked together by a swirling ascending movement: on the lower level, the fall of the damned taken from the "Last Judgement", in the centre allegories and Dominican saints, in the upper portion, the Trinity and the Cross, with the Virgin linking these last two groups.

    Continuing the work of Saint Dominic of Guzman (c. 1171-1221) who relentlessly fought the Cathar heresy through teaching, these preaching friars worked to bring the souls that had gone astray back to the bosom of the Church. It is to them that this allegory is intended, crowning a space flooded with light, dominated by white and the gold of the mouldings. In a swirl of clouds, those who enter the room are lifted up towards the dove of the Holy Spirit (1), radiant in the glory of God.

    An entire path leads to it; one that starts from the stripped and tormented bodies (15) of those grappling with heresy, which here takes the form of a many-headed monster. They lean on two books (16) placed on a corner stone, but these are closed shut. One is tempted to see them as the Gospel of Saint Matthew and the Epistles of Saint Paul on which the teaching of the Cathars is based, in a version that is unique to them. To answer them during his sermons, according to chroniclers, Saint Dominic carried these two books with him, keeping them in the folds of his tunic. In the final version of the ceiling, a page from a manuscript has been added to the right, under the dog. St Dominic, it is said, used to write down the verses of the New Testament, which he had chosen in order to respond to heretics in public debates. After a controversy, he would hand these writings to his critics. It seems that when they would throw them into the fire, miraculously they would not burn.

    To the right, discreetly, the dog (17) is keeping watch. It is similar to the one that Dominique's mother saw in a dream she had while pregnant with her son. Black and white, it emerged from her womb carrying a flaming torch in its mouth that seemed to set the world ablaze. The significance of this omen was that she would give birth to a preacher who would awaken slumbering souls with the bark of his knowledge, and who would spread the redeeming fire of Christ.

    To the far left of this group, some figures are trying to escape from St. Michael the Archangel (14), the strong-arm of God. Recognisable by his light, curly hair, his pair of widely spread wings, and the "dragon", he adopts a posture that is traditional in his representations: right arm raised, weapon brandished, and left leg outstretched, usually resting on a dragon, the symbol of evil and the pagans he is about to strike. Of the archangels, he is the only one to show the materiality of his "body", usually without going as far as the nudity reserved for Truth. His muscular build expresses his physical strength, leaving no doubt as to the outcome of the battle; his determined face expresses his moral one. His soldier's cloak is here a supple, swirling drape, and his sword has been replaced by the thunderbolt, a symbol of omnipotence borrowed from Zeus.

    The central part of the composition is punctuated by the figures of the Dominicans. In order to differentiate themselves from the Cathars dressed in black, this order of tonsured friars chose a white robe visible from afar and a black cloak.

    The book, held by Saint Thomas Aquinas (circa 1225-1274) (6), is open. Born near Naples, this great theologian was declared "Doctor of the Church" in 1567. Even though he stands slightly behind the Virgin (4) it is he who is the link between the Trinity and the faithful. Passing successively from the hand of the Virgin, to those of the cherubs, then those of Christ (3) and of God the Father (2), his gaze leads us towards the dove of the Holy Spirit while he points out the faithful with his hand. It is not a suffering Christ who is represented, but a triumphant one who looks on and awaits the faithful. The light of the Holy Spirit shines brightly on the white robes as it did at the Pentecost of 1206, when the first friars gathered around Saint Dominic and adopted the Rule of St Augustine. We should remember that Thomas Aquinas was the first to underline the value of images placed at the service of worship, advocating a use other than the idolatry of a simple object.

    Cherubs hold a branch of lilies, the image of chastity, discreetly placed behind Saint Dominic (c. 1171-1221) (9). It is said that in fact he regretted having confessed his chastity to his brothers, when he felt his death was near, considering that in this he lacked humility. Bowing, he receives one of the stars crowning Mary's head. This is from of an episode recounted by Jacobus de Voragine, who tells us that after his baptism a lady who had raised him from the baptismal font "thought she saw on little Dominic's forehead a very bright star that lit up the whole earth". The link that the image establishes here with the Virgin (4) recalls his attachment to the Marian cult that the infidels refused. The saint, kneeling over the world, responds to a universal mission, sending his brothers to Bologna, Spain or Paris. During his lifetime, he founded several convents that the first General Chapters of 1220 and 1221 already organised into provinces, laying the foundations for future expansion as far as the New World.

    Saint Peter of Verona, known as Saint Peter Martyr (1205-1252) (5) is recognisable by his attribute, the blade used to split his skull. Born into a Cathar family and converted to the Catholic faith, this Dominican, who is said to have received the habit from the hands of Saint Dominic himself, was called upon to reconcile the supporters of the emperor with those of the pope. Appointed inquisitor, he was attacked by Cathars on the road from Como to Milan and is said to have written the first words of the credo in his own blood. One of the murderers, having repented, joined the Dominican Order.

    Saint Catherine of Siena (1347-1380) (8) wears a crown of thorns, to feel in her own flesh the sufferings of Christ. She was six years of age when she had her first mystical experience and sixteen when she received the habit of the Order of Penance of Saint Dominic. She is shown here wearing the Dominican habit. Around her, a community was formed and in 1377 she founded the monastery of Santa-Maria-degli-Angeli. The papacy sought her advice and entrusted her with diplomatic missions at a time when it was facing the schism of the antipopes of Avignon.

    At her side, a nun holds a bouquet of roses; it is Saint Rose of Lima (1586-1617) (7) whose face is said to have been transformed into a rose at the three masses celebrated in honour of the Holy Spirit on the day of her baptism. Like Catherine, she wished to share the suffering of Christ by wearing a crown of thorns and also had mystical experiences. In 1606, she received the habit of the Dominicans of the Third Order.

    Two allegorical figures close the circle of this meeting of great Dominican figures: that of the Catholic Faith and that of the Church.

    The Catholic Faith (12), draped in yellow, holds a radiant chalice in her right hand in accordance with the image of Religion in Ripa's Iconologia (1611). She is seated next to The Church (10), clothed in blue, which takes up the image of Divine Wisdom (Iconologia, CXLIX, 1643), which Ripa comments as follows: "It is a Lady whose marvellous modesty and expression makes her venerable. She is dressed in white, and stands on a square stone. She has for arms a Corselet, & a great Helm... a shield in her right hand, with the figure of the Holy Spirit in the middle; and to the left the Book of Wisdom…with the Paschal lamb above…

    The dove which is seen painted on her shield, is the Holy Spirit, who as Job says, teaches us Wisdom: Now by this shield of round form, is meant the Universe, where those who are elevated to the highest dignities must study to wise conduct... The Holy Spirit is thus put here very appropriately in a round figure, inasmuch as by him the Divine Wisdom endows the Universe, & that it inspires a true light, & salutary instructions to those who have the conduct of it.

    The closed Book ...signifies, that the judgements of Divine Wisdom are hidden from men; And that because it is lost within many clouds, the acquisition of it is extremely difficult. That is why the wisest of all men compares it to a treasure hidden in the earth. Now why is it thus sealed, not so that men should be deprived of it, but to induce them to acquire it by their own industry, without however that they should become either more haughty, or more in love with themselves. Besides, the obscurity of the divine word can be said to be useful, in that it makes the Truth shine more brightly, even within the mists".

    To their left, below Saint Dominic, in the darkness, are two virtues advocated and practised by him, depicted as advocated by Ripa: Patience (11), "an invincible virtue which one testifies to bear the pains of the body, & the labours of the spirit", carries its yoke while at its side Penitence (13) "a woman ... very ill-clothed" holds a flail with her eyes fixed on Heaven. This "sorrow for the sins committed," explains Ripa, "contains in itself three main parts, which are Contrition, Confession, & Satisfaction. The first is denoted by her pallid and melancholy face. The second, by her eyes lifted up to Heaven, as a testimony of the forgiveness she asks of God ... As for discipline … this means that Penitence, to be salutary, must be seasoned with ... Contrition"

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