Attribué à Jacques LE MOYNE de MORGUES (Dieppe, vers 1533-Londres, 1588)
Outina, chef Timucua
Huile aquarellée sur panneau de noyer
Attr. to J. Le Moyne de Morgues, Outina, chief Timucua, watercolor oil on walnut panel
58,5 x 42,5 CM • 23 X 16 3/4 IN.

€40,000-60,000

Outina, chef Timucua en Floride, emmène l'Européen vers une terre inconnue, vaste terrain d'aventures décrit par les récits de ceux qui en reviennent, fascinés par leurs découvertes. Marquée par le maniérisme européen de la fin du XVIe siècle, cette image est un témoignage exceptionnel de ce que l'on connaissait alors du Nouveau Monde en Occident.

Cette figure est à rapprocher des Grands voyages , suite de treize volumes in folio publiés par Théodore de Bry et ses fils de 1590 à 1634. Originaire de Liège, le protestant Théodore de Bry (1528-1598), chassé par les persécutions religieuses, s'établit en 1570 comme libraire et graveur à Francfort. Un siècle après la découverte de l'Amérique et les débuts de l'imprimerie, ses Grands voyages divulguent, pour la première fois, les nouvelles connaissances en s'aidant de gravures en taille-douce établies d'après des notes et dessins pris sur le vif. Pour les mettre à la portée d'un plus grand nombre, quatre éditions sont envisagées : en latin, allemand, anglais et français. Ce programme est tenu en 1590 pour le premier volume qui relate l'expédition anglaise de 1585 en Virginie.

Le deuxième concerne la Floride. Il est édité en 1591, en latin à l'intention des lecteurs catholiques, et en allemand à l'intention des lecteurs protestants. Théodore de Bry choisit de s'appuyer sur les travaux de Jacques Le Moyne de Morgues pour l'illustrer.

Ce cartographe dieppois au service de Charles IX accompagne en 1564 une expédition partie fonder une colonie protestante en Floride. Il doit " relever le profil des côtes, la profondeur et le cours des rivières, consigner la position des villes et des ports, prendre aussi des croquis montrant le comportement des indigènes et tout ce qui semblerait digne d'intérêt dans cette région " (cf. Expo. p. 73). Le site retenu, Fort Caroline, a été repéré dès 1562 pour répondre aux ambitions de Gaspard de Coligny qui espère ainsi, non seulement éloigner les Huguenots de France mais aussi s'implanter dans un endroit stratégique proche des territoires contrôlés par les Espagnols sur la route des caravelles chargées d'or et d'argent rentrant à Séville. Agacé, Philippe II envoye le duc d'Albe et son armada massacrer ces hérétiques et prendre la place forte de Jacksonville. R.A. Skelton émet l'hypothèse (cf. Hulton p. 45) que, blessé en 1565 au cours de combats, Jacques Le Moyne se consacre à des relevés et observations avant de regagner la France qu'il doit quitter après les massacres de la Saint Barthélémy, se réfugiant alors en Angleterre où il s'adonne à la botanique.

Jacques Le Moyne de Morgues est connu aujourd'hui par trois albums d'études aquarellées et miniatures de plantes et d'animaux qui témoignent de son talent dans ce domaine. Deux, démembrés, sont conservés à Londres, au Victoria and Albert Museum et au British Museum. Le troisième, dans sa reliure d'origine, est à la Garden Library à Washington. On lui doit également la première carte de Floride et une topographie des lieux.

Théodore de Bry tire de ses œuvres 42 planches reprises dans les éditions latine, allemande et française. Elles racontent l'arrivée des Français dans cette contrée et leur accueil par les Timucuas dont elles décrivent l' organisation politique et les coutumes avec un souci de vérité ethnographique.

La figure d'Outina, inversée par rapport à ce panneau, apparaît planche 18 (cf.ill. ci-contre et Hulton, T.I, P116 p. 209 et T.II, planche 110). On y voit des veuves se placer sous sa protection en l' implorant de venger la perte de leurs époux. La stature du chef, sa musculature, le rapport disproportionné avec les figures d'européens confirment les observations du capitaine Ribault : [Les Floridiens] vont entièrement nus et d'une belle stature, puissants, beaux, et aussi bien bâtis et proportionnés qu'aucun peuple du monde, très doux, courtois et de bon naturel ". Tatoué des pieds à la tête, il a les cheveux relevés en un petit chignon duquel pendent une plume et une queue de raton-laveur qui lui tombe sur les reins. Une sorte de serre-tête maintient une couronne de plumes. Il porte un pectoral métallique circulaire pendu à un collier de cuir et, en guise de boucles d'oreilles, des vessies de poisson gonflées. Sa ceinture, ses brassards et ses genouillères sont constitués de plaques métalliques rondes et il tient un bâton de bois à la main.

Le feu, la lance et le bouclier apparaissent, en sens inverse également, dans la planche 11 (cf. ill. ci-dessous et Hulton, T.I, P109 p. 206 et T.II, planche 103) qui illustre le rituel suivi par le roi Satouriwa pour demander la victoire avant d'aller au combat. Quant au fond de carte avec deux caravelles qui évoquent les échanges entre l'Amérique et l'Europe, il rappelle la fonction de cartographe de Lemoyne de Morgues.

La seule oeuvre retrouvée ayant servi de base aux illustrations du volume concernant la découverte de la Floride est une miniature sur velin (Athore montre à Laudonnière la colonne érigée par Ribault, 15 x 21,5 cm, cf. Hulton, T.I, P106 p. 205 et T. II, planche 100 ) . Réapparue en 1901 elle est considérée comme ayant été peinte par l'artiste à son retour en France, en 1566 (cf. Hulton p. 13). Elle permet de juger de la fidélité des gravures par rapport au motif original.

Nous ne connaissons pas actuellement d' œuvre peinte par Lemoyne de Morgues en Floride. Celle-ci, dont le support est un panneau d'une essence utilisée dans la marine, a pu être peinte lors de son voyage de retour puis être acquise par Théodore de Bry auprès de sa veuve, à Londres, en 1588 en vue de réaliser ses planches.

Bibliographie en rapport :

-Paul HULTON : The work of Jacques Le Moyne de Morgues, a huguenot artist in France, Florida and England (Londres, 1977)
-[Expo. Paris, 1976-1977] L'Amérique vue par l'Europe

Communication orale de monsieur Gracia, spécialiste de bois et parquetage





    Notes:
  • Outina, chef Timucua en Floride, emmène l'Européen vers une terre inconnue, vaste terrain d'aventures décrit par les récits de ceux qui en reviennent, fascinés par leurs découvertes. Marquée par le maniérisme européen de la fin du XVIe siècle, cette image est un témoignage exceptionnel de ce que l'on connaissait alors du Nouveau Monde en Occident.

    Cette figure est à rapprocher des Grands voyages , suite de treize volumes in folio publiés par Théodore de Bry et ses fils de 1590 à 1634. Originaire de Liège, le protestant Théodore de Bry (1528-1598), chassé par les persécutions religieuses, s'établit en 1570 comme libraire et graveur à Francfort. Un siècle après la découverte de l'Amérique et les débuts de l'imprimerie, ses Grands voyages divulguent, pour la première fois, les nouvelles connaissances en s'aidant de gravures en taille-douce établies d'après des notes et dessins pris sur le vif. Pour les mettre à la portée d'un plus grand nombre, quatre éditions sont envisagées : en latin, allemand, anglais et français. Ce programme est tenu en 1590 pour le premier volume qui relate l'expédition anglaise de 1585 en Virginie.

    Le deuxième concerne la Floride. Il est édité en 1591, en latin à l'intention des lecteurs catholiques, et en allemand à l'intention des lecteurs protestants. Théodore de Bry choisit de s'appuyer sur les travaux de Jacques Le Moyne de Morgues pour l'illustrer.

    Ce cartographe dieppois au service de Charles IX accompagne en 1564 une expédition partie fonder une colonie protestante en Floride. Il doit " relever le profil des côtes, la profondeur et le cours des rivières, consigner la position des villes et des ports, prendre aussi des croquis montrant le comportement des indigènes et tout ce qui semblerait digne d'intérêt dans cette région " (cf. Expo. p. 73). Le site retenu, Fort Caroline, a été repéré dès 1562 pour répondre aux ambitions de Gaspard de Coligny qui espère ainsi, non seulement éloigner les Huguenots de France mais aussi s'implanter dans un endroit stratégique proche des territoires contrôlés par les Espagnols sur la route des caravelles chargées d'or et d'argent rentrant à Séville. Agacé, Philippe II envoye le duc d'Albe et son armada massacrer ces hérétiques et prendre la place forte de Jacksonville. R.A. Skelton émet l'hypothèse (cf. Hulton p. 45) que, blessé en 1565 au cours de combats, Jacques Le Moyne se consacre à des relevés et observations avant de regagner la France qu'il doit quitter après les massacres de la Saint Barthélémy, se réfugiant alors en Angleterre où il s'adonne à la botanique.

    Jacques Le Moyne de Morgues est connu aujourd'hui par trois albums d'études aquarellées et miniatures de plantes et d'animaux qui témoignent de son talent dans ce domaine. Deux, démembrés, sont conservés à Londres, au Victoria and Albert Museum et au British Museum. Le troisième, dans sa reliure d'origine, est à la Garden Library à Washington. On lui doit également la première carte de Floride et une topographie des lieux.

    Théodore de Bry tire de ses œuvres 42 planches reprises dans les éditions latine, allemande et française. Elles racontent l'arrivée des Français dans cette contrée et leur accueil par les Timucuas dont elles décrivent l' organisation politique et les coutumes avec un souci de vérité ethnographique.

    La figure d'Outina, inversée par rapport à ce panneau, apparaît planche 18 (cf.ill. ci-contre et Hulton, T.I, P116 p. 209 et T.II, planche 110). On y voit des veuves se placer sous sa protection en l' implorant de venger la perte de leurs époux. La stature du chef, sa musculature, le rapport disproportionné avec les figures d'européens confirment les observations du capitaine Ribault : [Les Floridiens] vont entièrement nus et d'une belle stature, puissants, beaux, et aussi bien bâtis et proportionnés qu'aucun peuple du monde, très doux, courtois et de bon naturel ". Tatoué des pieds à la tête, il a les cheveux relevés en un petit chignon duquel pendent une plume et une queue de raton-laveur qui lui tombe sur les reins. Une sorte de serre-tête maintient une couronne de plumes. Il porte un pectoral métallique circulaire pendu à un collier de cuir et, en guise de boucles d'oreilles, des vessies de poisson gonflées. Sa ceinture, ses brassards et ses genouillères sont constitués de plaques métalliques rondes et il tient un bâton de bois à la main.

    Le feu, la lance et le bouclier apparaissent, en sens inverse également, dans la planche 11 (cf. ill. ci-dessous et Hulton, T.I, P109 p. 206 et T.II, planche 103) qui illustre le rituel suivi par le roi Satouriwa pour demander la victoire avant d'aller au combat. Quant au fond de carte avec deux caravelles qui évoquent les échanges entre l'Amérique et l'Europe, il rappelle la fonction de cartographe de Lemoyne de Morgues.

    La seule oeuvre retrouvée ayant servi de base aux illustrations du volume concernant la découverte de la Floride est une miniature sur velin (Athore montre à Laudonnière la colonne érigée par Ribault, 15 x 21,5 cm, cf. Hulton, T.I, P106 p. 205 et T. II, planche 100 ) . Réapparue en 1901 elle est considérée comme ayant été peinte par l'artiste à son retour en France, en 1566 (cf. Hulton p. 13). Elle permet de juger de la fidélité des gravures par rapport au motif original.

    Nous ne connaissons pas actuellement d' œuvre peinte par Lemoyne de Morgues en Floride. Celle-ci, dont le support est un panneau d'une essence utilisée dans la marine, a pu être peinte lors de son voyage de retour puis être acquise par Théodore de Bry auprès de sa veuve, à Londres, en 1588 en vue de réaliser ses planches.

    Bibliographie en rapport :

    -Paul HULTON : The work of Jacques Le Moyne de Morgues, a huguenot artist in France, Florida and England (Londres, 1977)
    -[Expo. Paris, 1976-1977] L'Amérique vue par l'Europe

    Communication orale de monsieur Gracia, spécialiste de bois et parquetage


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