JACQUES HÉROLD (1910-1987)
HOMME SEUL, 1932
Huile sur toile
Trace de signature et datée en bas à gauche
Cachet encré ‘Collection Henoch Zwirblanski’ sur le châssis
Oil on canvas; indistinctly signature and dated lower left; inked stamp ‘Collection Henoch Zwirblanski’ on the stretcher
50 X 61 CM • 19 ¾ X 24 IN.

    Notes:


  • PROVENANCE
    Collection Henoch Zwirblanski, France.
    Collection particulière, France.

    En cette année 1932, Hérold est de retour à Paris et élit domicile 14 cité Falguière. Son séjour en province comme ouvrier agricole pour obtenir un permis de séjour a été un échec. Herold Blumer, clandestin, se présente désormais sous l’identité de Jack Hérold ou Jacques Hérold pour éviter contrôles de police et préjugés antisémites. Seule éclaircie notable : après la rencontre avec Victor Brauner, celle d’un nouvel ami peintre - lui aussi dans "une dèche affreuse" - Yves Tanguy.

    Le sens de ma vision
    Quelque temps auparavant, Hérold avait aperçu un des tableaux du surréaliste breton dans la vitrine d’une petite galerie : "Hasard encore et enchaînement : le premier tableau que j’ai vu dans une vitrine à Paris, c’est un tableau d’Yves Tanguy. Un tableau qui était dans le sens de ma vision." Les deux hommes font connaissance peu après. C’est un véritable coup de foudre amical. L’entente est immédiate, artistiquement bien sûr mais aussi politiquement. Ils se fréquentent désormais quasi quotidiennement et ce, jusqu’au départ d’Yves Tanguy pour les États-Unis, en septembre 1939.
    Pour l’heure, les deux peintres passent l’essentiel de leur temps "à manger du vin pour se nourrir", à discuter, puis à peindre en état hypnagogique. Les toiles étant trop onéreuses, Hérold peint sur des découpes de draps de lit.

    Que reste-t-il de cette période
    Si les années 1935 et 1936 montrent un artiste accompli, d’une surprenante maîtrise, 1930 et 1931 laissent des "scènes bizarres" et un ensemble hétéroclite de carnets où aucun "dessins ne se ressemblent". L’historien est ainsi "frappé par la variété de ses recherches".
    Que reste-t-il de cette période Une série de dessins à la mine de plomb ou à l’encre et quelques "draps" peints - parfois même au "ripolin" ! - certains réalisés alors qu’il travaillait dans l’atelier de son compatriote Constantin Brancusi ; quelques commandes, dont la décoration d’un bistrot, opération menée à quatre mains avec Yves Tanguy ; les deux compères, connus pour leurs embauches d’ombres du cinéma, courant les maigres cachets de figurants ; Hérold, obligé de regagner son domicile par la seule fenêtre, gardée ouverte car "son propriétaire lui avait confisqué la clé de sa porte jusqu'à ce qu’il eût les moyens de payer son loyer".

    Homme seul
    Cependant, une obsession se retrouve dans la plupart des travaux du jeune peintre : un homme seul. Hérold évoquera deux niveaux de lecture à ce trait récurrent : "On pourrait dire aussi que ce personnage seul (...) figure ma vie de ce moment-là. Ou bien que c’est une image onirique. A ce moment, on parlait beaucoup du rêve du côté des Surréalistes. Probablement tout cela à la fois. J’imaginais. Mais en même temps, il y avait cette réalité que je vivais. La difficulté matérielle quotidienne, sans espoir. Et curieusement, les personnages que je peignais alors sont très liés au sol."
    Hérold poursuit ainsi sa fine analyse : "Si on veut, on peut interpréter ce thème, du fixé, du figé, comme exprimant le désir de m’établir, mais surtout le désir de m’établir sur le plan de l’expression."
    Dans Homme seul, le personnage est revêtu d’une longue cape, asexué, anonyme et solitaire. À la fin du jour, les épaules voûtées, il semble observer un précipice. A l’horizon, une colline à pente douce d’où quelques troncs clairsemés émergent. La canopée qui les surmonte, continue au-delà des lignes de fuite de la toile… Derrière l’homme, un tronc-tuyau aux désirs obscurs se tend vers la courbe qui lui fait face. Ces sujets végétalo-érotiques sont complétés au premier plan par une plante-pieuvre qui marche résolument. Elle réunit le jeu des quatre plans : végétal-féminin, animal-masculin et la thématique du désir inassouvi.
    Hérold peint une œuvre autour de sa volonté consciente de s’établir et du désir refoulé qui peuple ses songes. Quarante-six ans plus tard, il commente ainsi ces premiers tableaux : "Ce sont des ruptures de terrain, des précipices, des silhouettes géologiques. Mais en même temps, si on regarde un peu autrement, on découvre un paysage un peu érotique. Des formes qui peuvent s’emboîter les unes dans les autres. Ici une forme féminine, là une forme phallique."

    Une œuvre rescapée
    Homme seul est un des premiers tableaux de la période surréaliste (1931-1956) de Jacques Hérold. Il provient de la collection d’Henoch Zwirblanski (1907-1989), juif originaire de Vilnius, installé à Paris dans les années 30. Activiste, il est surveillé par la Sûreté de l'État de 1936 à 1938. Au début de la guerre, il s’engage en tant que volontaire étranger dans l’Armée française. Après la défaite, il rejoint la Résistance. Arrêté en septembre 1943 à Borgo San Dalmazzo en Italie, emprisonné en France, en Provence, il transite par le camp de Drancy avant d’être, en décembre, déporté à Auschwitz. Rescapé, il rejoint la France après la libération du camp. D’autres œuvres de la collection Henoch Zwirblanski démontrent son goût très sur, on pense notamment à La Femme à la lecture (c. 1927) de Juan Gris.
    Près de quatre-vingt-dix ans après sa conception, Homme seul resurgit, rescapé de l’Histoire avec un grand H. Un tableau qui paraît, comme ceux d’Yves Tanguy, "contenir des grands secrets et des grands pouvoirs" et qui, à la suite des Ombres , cherche à rendre visible l’essence des êtres.
    Rose-Hélène Iché, historienne de l’art et spécialiste de Jacques Hérold.

    The year is 1932, when Hérold returns to Paris where he rlived at 14 Cité Falguière. His stay in the provinces working as an agricultural labourer has failed to get him the ‘permis de séjour’ that he needed. As an illegal immigrant, from now on he goes by the name Jack Hérold or Jacques Hérold in order to avoid anti-Semitic attacks and police controls. The only ray of light at this time is that through his meeting with Victor Brauner, he also makes the acquaintance of Yves Tanguy : a painter and new friend, who is in similar straits to Herold.

    My vision.
    Some time previously, Hérold had noticed a Breton surrealist painting in the window of a small art gallery: “ Coincidentally, the very first painting I saw in a window in Paris was by Yves Tanguy. A painting which reflected the way I saw things. “ They soon get to know each other. Their friendship is instantaneous; it is a meeting of minds both artistically and politically. They meet every day until Yves Tanguy’s departure for the United States in September 1939.
    At this time, the two painters spend most of their time drinking. Wine is their main source of nourishment. It fuels their discussions and they paint hypnotized by wine. As canvases proved to be too expensive, Hérold paints on torn bed sheets.

    What else from this time
    If the years 1935 and 1936 present a mature artist, then 1930 and 1931 show weird scenes and motley array of sketchbooks in which no one drawing resembles another. Any historian would be struck by their diversity.
    What remains from that period Graphite and ink drawings, a few painted « bed sheets», some of them produced in his fellow-citizen Constantin Brancusi’s studio. Sometimes he is commissioned to adorn cafés, together with Yves Tanguy. Both painters work as extras in movies to meet the rent.

    Homme seul/Lonely man
    However, in the young painter we can find an obsession in most of his works: a lonely man. Hérold would express two levels of understanding of this recurring theme: «We could say that the lonely figure/Homme seul […] reflects my life at that time. Or it could be a dreamlike image. Dream was a major topic for surrealists at that time. I probably imagined it was all of the above. But at the very same time there was the reality that I was living: financial difficulties with no end in sight. Surprisingly, the figures that I painted at that time are very grounded to the earth ». Then Hérold goes on: « One can read this theme, of the rigid and the fixed, as expressing the need to settle down, but above all, the desire to settle down at an expressive level.”

    In this ‘Lonely man’, the figure stands in a long cloak, asexual, anonymous and solitary. At the end of the day, with stooped shoulders, he seems to watch a precipice. Over the horizon, a hill with gentle slope from which a few trunks arise. The canopy that rises above, goes on beyond the vanishing line of the canvas. Beyond the man is a trunk-pipe with dark desire reaching out to the overlooking curve. These vegetal erotic topics are completed on the first ground by a walking octopus-plantlike. It gathers four themes: plantlike-female, animal-male and the theme of unfulfilled desires. Hérold’s work is about the way his conscious will is at peace, and his day dreams repress his desires. This is what he says about his early paintings forty-six years later: « These are land breaks, precipices, geological shapes. But, at the same time, you can also see a bit of an erotic landscape. Shapes that can fit exactly into each other as female or phallic shapes.“

    A rescued work
    ‘Homme seul’ /Lonely man is one of Jacques Hérold first paintings of the surrealist period (1931-1956). It comes from the Henoch Zwirblanski’s collection (1907-1989), a Jewish native from Vilnius who came to Paris in the 1930’s. As an activist he was chased by the Sûreté de l’État (State security) from 1936 to 1938. At the beginning of the war he joined the French Army as a volunteer foreigner. When France was defeated, he joined the French Resistance. He was arrested in September 1943 in Borgo San Dalmazzo, Italy, jailed in France, then goes through Drancy’s camp before being brought to Auschwitz in December. As a survivor, he returned to France after the liberation of the camp. Other works from Henoch Zwirblanski’s collection feature his distinctive taste, one can mention ‘La Femme à la lecture’ (c. 1927) by Juan Gris among others.
    Nearly ninety years after this work was created, ‘Homme seul’ shows up again, rescued from History. A picture that seems, like Yves Tanguy used to paint, «holds great secrets and great powers». Then «Les Ombres» seems to bring to light the essence of beings.
    Rose-Hélène Iché, historienne de l’art et spécialiste de Jacques Hérold.

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